Descripteurs généraux
Mots-clés formels
Mots-clés iconographie
Titre:
Saint Jean à Patmos
Auteur:
Louis Rivier
Date de création:
1946
Description iconographique:

Il s’agit d’une composition religieuse représentant saint Jean sur l’île de Patmos, en Grèce, là où il aura des révélations et écrira l'Apocalypse. Le saint est en position mi-allongée, le coude droit appuyé sur une roche et les genoux pliés. Son corps, représenté en plan rapproché, occupe la quasi-totalité de l’espace ; grâce à ce cadrage « serré » la proximité du personnage avec le spectateur est amplifiée. Le sommet de sa tête effleure le bord supérieur du cadre, tandis que ses jambes, dont on voit seulement une partie des cuisses, sont hors champ. L’évangéliste a le visage orienté de trois-quarts et vers la droite, il a les yeux mi-clos car il s’efforce d’observer l’objet de son attention, situé au loin, derrière lui. Louis Rivier le représente comme un vieillard, le front dégarni et portant de longs cheveux gris-blancs sur les côtés. Le saint a une très longue barbe grise, à l’apparence légère et cotonneuse.

Le visage et les mains sont d’un grand réalisme, le peintre atteint des résultats magistraux dans le rendu de la carnation. On distingue chaque cheveux et poil de barbe, chaque ride creusant le front et les joues, les veines bleutées parcourant les dos de ses mains, les plis et les creux de l’oreille gauche, les taches de la peau à côté de l’œil, les paupières rougeâtres et ridées.

Sa main gauche se pose sur le buste, tandis que la droite serre une plume, dont devine l’aspect soyeux. Un livre est ouvert, posé sur les genoux. Il s’agit d’un grand cahier aux pages blanches et aux bords rouges dotés de fermetures carrées dorées, richement décorées. Saint Jean est en train d’écrire le commencement de l’Apocalypse sur la page de gauche (on peut facilement lire le texte, Jean 1, 9 – 12, reporté par le peintre en langue française). Il s’arrête à la phrase : « Alors je me retournai pour voir quelle était la voix qui me parlait ». Ces lignes décrivent exactement l’épisode représenté par Rivier : effectivement, le peintre condense en une seule image le moment de la vision prophétique du saint et le moment de la rédaction dans l’Apocalypse.

Saint Jean est habillé d’une blouse vert amande et d’une ample chemise blanche dont on voit seulement les manches. Au-dessous de celles-ci, apparaissent les manches d’un pull-over rouge. C’est un détail vestimentaire qui sera aussi repris par Rivier dans le portrait du prophète Jérémie réalisé en 1947. Une cape bordeaux tricotée recouvre ses épaules et le dos en passant sous son coude droit en guise d’appui pour lui éviter le contact avec la rudesse de la roche. Une corde, nouée deux fois, lui serre la taille. Les vêtements naissent de l’imagination de Rivier et sont un pastiche de modes et d’époques différentes : le pull-over, le chemisier avec les manchettes boutonnées, ainsi que la blouse, elle aussi fermée par une rangée de boutons sur le devant, appartiennent à une époque récente. La corde portée en guise de ceinture est, quant à elle, indice d’une époque bien plus lointaine. La cape en laine a très certainement été choisie par Rivier pour des raisons esthétiques. En effet, le tricot des mailles permet au peintre d’exercer sa maîtrise dans le rendu des matières. La variété des tissus (cotons plus ou moins épais, laine, corde), si réalistement reproduits par Rivier, procure différentes sensations tactiles.

La silhouette de l’évangéliste se démarque sur un paysage maritime. L’écume de plusieurs vaguelettes vient agiter, doucement, la mer. Le sable est d’un brun orangé ponctué de roches et de quelques arbustes. Sur la gauche, s’élève un promontoire rocheux, recouvert d’un pré vert foncé. Un cours d’eau serpente. Au loin, sur la droite, on voit un ilot, faisant partie du même archipel du Dodécanèse.

Un ruban de lumière orangée, typique d’une fin d’après-midi, annonce sur la mer un horizon bleu indigo. Le ciel est traversé par quelques nuages vaporeux dont deux, blancs, aux formes bombées.

La lumière est chaude et étale, les ombres façonnent les plis des habits. On remarque la présence, discrète, d’une seule ombre portée : celle du dos de saint Jean se projetant sur la roche. La gamme chromatique est variée et sobre en même temps. Elle est dominée par les rouges, les bruns, les oranges, les ocres, mais aussi par le bleu décliné en plusieurs nuances (du céleste de la mer, au bleu indigo du ciel) et par le gris-vert de la blouse.

Ce tableau transmet une sensation de calme et de paix, malgré l’excitation que l’évènement représenté pourrait entraîner. Les gestes sont posés, l’expression du saint est tranquille. Le paysage renforce la sérénité générale.Louis Rivier renonce ici à l’allégorie et au miraculeux et confère à la scène religieuse une surprenante normalité.