Ce tableau est un portrait en buste de Jean-Jacques Mercier-de Molin, entrepreneur et mécène qui a soutenu financièrement Louis Rivier pour le projet de la décoration de l’Aula du Palais de Rumine, à Lausanne. Il est aussi son commanditaire lorsqu’il lui confie la décoration de la salle à manger de sa résidence d’été : le Château Mercier sur la colline de Pradegg, à Sierre (1908-1910).
Jean-Jacques Mercier-de Molin se tient derrière un parapet, le buste de face et le visage orienté vers sa gauche. L’homme regarde dans cette direction et sourit ; ses yeux légèrement plissés semblent sourire également. Il a un front ample, traversé par une ride verticale, entre les sourcils. Il est chauve avec des cheveux gris coupés très court sur les côtés. Il porte une barbe blanche qui laisse entrevoir sa peau, d’un rose vif.
Le mécène est habillé d’une veste de couleur marron foncé, boutonnée. On entrevoit le poignet et le col d’une chemise blanche ; les ailes du col sont pliées en pointes. Une cravate bleu nuit est nouée autour de son cou.
Les coudes sont hors champ. Les mains se posent sur un livre ouvert sur une surface en bois. Il en résulte un effet de trompe l’œil, comme si la figure pouvait sortir du cadre. L’index et le pouce de la main gauche tiennent une page pour la tourner. Jean-Jacques Mercier-de Molin a une alliance à l’annulaire gauche, rappelant son union avec Marie Mercier-de Molin, personnalité importante de son époque, très connue dans la région sierroise.
La présence du parapet, du livre ainsi que le type de cadrage font référence à l’art du portrait flamand : on pense par exemple au Portrait d’homme tenant un livre ouvert de Roger Van der Weyden (avant 1437). La silhouette de Jean-Jacques Mercier-de Molin se démarque d’un ciel bleu clair traversé par de nombreux nuages blancs. Cet arrière-plan rappelle plutôt la peinture de la Renaissance italienne. Aucun élément décoratif ou architectural ne permet de situer le personnage dans un lieu précis : ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Le cadrage serré laisse supposer la présence d’une fenêtre ouverte, comme si l’homme se tenait exactement entre celle-ci et le parapet. La présence du livre met en scène un homme de culture.
La gamme chromatique est construite à partir de trois couleurs principales : le marron, le blanc et le bleu. Le tableau fait dialoguer le sombre et la lumière. La clarté de la chemise, celle des pages ainsi que la lueur provenant du ciel, confèrent à la composition une vivacité remarquable alors que la posture est statique. La veste brun foncé s’inscrit en fort contraste. Les ombres modèlent les volumes du visage et des mains et façonnent les plis de la veste. On remarque l’ombre portée du livre et celle de la main droite, sur la surface rouge foncé du parapet. Le grand nuage situé derrière le visage de l’homme est, quant à lui, légèrement obscurci par une ombre grise. Il entoure et couronne sa tête, en insufflant à l’homme un caractère spirituel.
Ce portrait est très réaliste, voire hyperréaliste. Rivier porte une attention particulière au rendu de la carnation en atteignant, dans la partie consacrée au visage, des résultats photographiques. On distingue chaque pli autour des yeux, la transparence de l’iris, chaque poil de la barbe, les veinules des joues, les rides du front. Les vêtements sont aussi peints avec méticulosité : le col amidonné, le tissu soyeux de la cravate et celui velouté de la veste.
La figure de Jean-Jacques Mercier-de Molin est enveloppée par une lumière étale et très claire. Son visage doux, sa posture tenue mais détendue, son regard souriant et courant hors champ, transmettent une sensation de paix intérieure et de sérénité.
Jean-Jacques Mercier-de Molin (1859 - 1932) a été le commanditaire du décor de la salle à manger du château de Pradegg, à Sierre. Les peintures murales ont été réalisées par Louis Rivier entre 1907 et 1910. A cette époque Rivier n’était pas encore un artiste confirmé avec une pratique picturale consolidée. La confiance de Jean-Jacques Mercier-de Molin a été alors vraiment très grande envers ce jeune peintre, ami de la famille. Le mécène, renouvellera sa confiance en le soutenant moralement et économiquement lors d’autres importants projets, comme par exemple la décoration de l’Aula du Palais de Rumine à Lausanne.
« Dès 1881, […] il travailla dans l'entreprise familiale de tannerie et prit la direction des affaires en 1887. Lorsque la tannerie cessa son activité en 1898, il réorienta ses activités vers la gestion de fortune et le mécénat. Administrateur de diverses sociétés, notamment celles du Lausanne-Ouchy et des Eaux de Bret. Conseiller communal libéral (législatif 1890-1905) de Lausanne, député au Grand Conseil vaudois (1889-1893). [Mercier-de Molin] se retira à Sierre où il fit construire le château de Pradegg (1906-1908), aujourd'hui château Mercier, où est toujours exposée sa collection (dont Ernest Biéler, Louis Rivier, art chinois et japonais). [Fut] Docteur honoris causa de l'université de Lausanne (1925) » (Dictionnaire Historique de la Suisse, DHS, consulté en ligne, auteur : Louis Polla)