Descripteurs généraux
Mots-clés formels
Mots-clés iconographie
Titre:
La Nativité
Auteur:
Louis Rivier
Date de création:
1936
Description iconographique:

Louis Rivier est l’auteur du décor de la chapelle sud du temple Saint-Paul, à Villeneuve. Il réalise deux peintures murales, représentant respectivement l’Annonce aux bergers et la Nativité, et un vitrail avec des anges musiciens. 

La paroi centrale, de forme arquée, est dévolue à la représentation de la Nativité (mur est). La grange qui abrite la Sainte Famille est une construction originale : un agencement hybride de styles architecturaux différents. Par son accès ouvert sur le côté gauche, elle rappelle une loggia italienne.

La porte arquée située entre Joseph et la Vierge à l’enfant se réfère à la fenêtre haute et mince d’une église, cependant l’effet illusionniste de la peinture la transforme en un couloir, au fond duquel apparaissent des anges musiciens. Louis Rivier pousse le réalisme des détails en simulant l’arc en briques et le pas de la porte lézardés.

Sur la gauche, le museau d’une vache et celui d’un âne laissent imaginer la présence d’une étable. Sur la droite, le paysage affiche une très longue perspective aérienne donnant sur des reliefs bleutés. Dans le pré, on voit des anges cueillant des fleurs blanches et s’approchant de la grange.

Intérieur et extérieur sont confondus. On a l’impression que tout se passe sur la véranda d’une maison à l’architecture insolite et aux nombreux accès donnant sur un jardin. Dans le coin inférieur gauche de la composition, on peut souligner cette ambiguïté entre extérieur et intérieur, et l’on remarque avec curiosité un feu de camp avec une marmite suspendue. 

La Sainte Famille est, elle aussi, représentée par Louis Rivier de manière singulière. Marie et Jésus forment une unité. Le berceau en bois, la bassine pour le bain, le gant pour laver le bébé, le tissu déployé en guise de table à langer, le tablier porté par Marie au-dessus de ses habits simples mais élégants, et même l’ombre projetée par son corps sur la paroi, situent le duo à l’intérieur d’un lieu. Comme s’ils étaient dans le confort d’une habitation familiale, ces détails de grand réalisme nous décrivent le quotidien, plutôt commun, d’une mère avec son bébé. La bassine et le linge aux pieds de la Vierge rappellent ceux de La Toilette (1927) œuvre dans laquelle Louis Rivier représente son épouse Julie et son fils Robert lors du moment du bain. Le duo formé par la Vierge et Jésus s’inspire, d’une part, des Vierges à l’enfant de Raphaël et, d’autre part, de scènes de genre hollandaises. Des premières, on retrouve la disposition pyramidale des deux figures, l’idéalisation et la beauté des corps, le trio de couleurs bleu-vert-rouge accompagné de blanc. Des deuxièmes, on retrouve l’atmosphère intime et chaleureuse des intérieurs des maisons du nord habitées par des laitières, des couturières, des musiciennes…

Le bébé, nu et potelé est peint avec réalisme. La mère le regarde avec émotion, ses joues rougissent lorsqu’elle le porte avec une attention maternelle affectionnée. La position en retrait de Joseph, l’air absorbé, en fait une figure indépendante. Sa posture élégante marquée par un contrapposto le rapproche des Saint Sébastien de Mantegna. Joseph rêve les yeux ouverts et ceux-ci ne s’adressent ni à la mère ni au bébé. 

Un détail attire, discrètement, l’attention du spectateur : le pied droit de Joseph compte six orteils. On y reconnaît un petit amusement de la part du peintre, une sorte de signature originale ou de clin d’œil aux fidèles les plus attentifs. (Contribution du pasteur Jean-Pierre Monnet au journal Villeneuve le 06.01.1998).

La lumière provient de la gauche. Un faisceau éclaire la moitié inférieure laissant dans l’ombre la partie supérieure. La gamme chromatique est constituée de couleurs estompées et pastel : vert clair, vert amande, diverses nuances de bleu, rose, saumon, rouge garance et rouge carmin, marron, beige, ivoire, blanc. 

La partie supérieure de la peinture murale, au niveau de l’arc en plein cintre, est dévolue au toit de la grange. Deux anges y sont assis et accrochent des fleurs blanches à la guirlande verte courant sur la voûte et le long des bords de la chapelle. L’architecture du temple épouse ainsi harmonieusement le décor de Rivier qui, grâce à l’effet de trompe l’œil et aux techniques de perspective illusionniste, rallonge l’espace réel et y intègre cette scène à la fois sacrée et profane. 

Dans l’Annonce aux bergers (mur nord), Louis Rivier met en scène un groupe de neuf figures masculines confrontées à la nouvelle de la naissance de Jésus. Selon le récit biblique (Lc 2, 10-11), ce sont des bergers, veillant auprès de leurs moutons dans un champ proche de Bethléem, à être informés les premiers par les anges annonciateurs.

Au premier plan, six hommes se disposent en pyramide ; leur gestes et postures communiquent une grande émotion. Trois autres personnages se tiennent plus loin.

Parmi les neuf bergers représentés, on remarque en particulier : un jeune enfant se tenant derrière un adulte, l’air légèrement effrayé, joignant ses mains en geste de prière ; deux hommes debout, coiffés de deux grands chapeaux de paille, qui discutent et gesticulent avec les mains en commentant la scène ; un homme accroupi, qui se protège les yeux en portant son bras au front, ébloui par la lumière émanant des anges. 

A l’arrière-plan, on observe un berger s’approchant du groupe principal et deux autres s’éloignant à grands pas en tenant leurs chapeaux pour éviter qu’ils ne s’envolent, détail de grand réalisme. Les neuf hommes portent, tous, des habits amples, aux drapés abondants. Certains tiennent un bâton dans la main. Leurs traits physionomiques sont stylisés.

Sur la gauche, un troupeau de brebis disposées en cercle : désintéressées des faits, elles sont occupées à brouter. Derrière les animaux, à l’extrémité gauche de la composition, s’élève un arbre dépouillé. Ce dernier est un motif récurrent des compositions paysagères et religieuses de Louis Rivier. Souvent associé à un sentiment de finitude, il symbolise ici la future mort du Christ. 

De manière symétrique, à l’extrémité droite de la peinture, on remarque deux cyprès. Le paysage est collinaire et minimaliste. Seule la silhouette de quelques arbres ponctue la crête des pentes et se démarque du ciel bleu clair traversé par des nuages à l’aspect vaporeux. 

La gamme chromatique est sobre, constituée en majorité de teintes allant du marron, au vert pistache, au beige, jusqu’à l’ivoire. Le blanc des habits du groupe central rehausse la palette et illumine la scène. Cela vaut aussi pour la chemise rose et le turban rouge garance portés par un berger.

L’Annonce aux bergers fait face au vitrail figurant une cohorte d’anges musiciens et de choristes (fenêtre sud). Leurs notes et leurs chants entonnent le Gloria in excelsis, thème explicité par une inscription apposée au-dessous du vitrail : « Gloire à dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre, bienveillance envers les hommes ». Vitrail et peinture murale instaurent ainsi un dialogue. Selon le récit biblique, après la venue des premiers anges annonciateurs, d’autres anges se manifestent aux bergers pour proclamer la gloire du Christ.

Louis Rivier compose un ensemble complexe et riche. Il adopte deux techniques artistiques, la peinture murale et le vitrail, multiplie les styles, les références, les citations. Il dépasse le récit religieux pour créer une pièce de théâtre permanente. Le temple s’anime et les spectateurs vivent et revivent les scènes représentées.