Descripteurs généraux
procédé spécial et pointe de métal
Mots-clés formels
Mots-clés iconographie
Titre:
La Vierge au chanoine
Auteur:
Louis Rivier
Date de création:
1944
Description iconographique:

Louis Rivier peint un trio composé d’une Vierge à l’enfant et d’un homme adulte, les mains jointes en prière. Marie est figurée comme une jeune femme, habillée de vêtements somptueux : une robe rouge garance à manches longues et une cape bleu canard fixée sous le cou avec une épingle à pierre d’émeraude entourée d’un bord doré. Une chemise blanche, aux ourlets plissés, apparaît sous les manches de la robe. Marie porte de longs cheveux ondulés châtain clair lui tombant sur le devant jusqu’au flanc et lui couvrant un bras. Le coude gauche sort du cadre. Les traits de son visage sont délicats : un nez droit, des sourcils bien dessinés, des lèvres en forme de cœur, des yeux aux longs cils, un front ample et dégagé. Ses bras sont pliés et levés car ils maintiennent le petit Jésus. Ce dernier est assis sur son épaule droite et il est en train de poser une couronne sur sa tête. La facture de celle-ci est élaborée : des motifs floraux entrecroisés sertissent de nombreuses perles blanches. Le « Couronnement de la Vierge » est un thème classique de l’iconographie traditionnelle religieuse, raconté dans les textes apocryphes. La Vierge, montant aux cieux, est couronnée par les anges. Ici, Louis Rivier réinterprète l’épisode comme s’il s’agissait d’une scène quotidienne et familiale, un jeu entre une mère et son enfant. 

Jésus est un bébé nu et potelé âgé d’environ un an. Il se tient bien droit, le buste de face, les jambes légèrement pliées et le visage de trois-quarts orienté vers le sommet de la tête de sa mère. Son pied droit comporte six orteils, détail qui se retrouve aussi dans le pied droit de Joseph peint dans une chapelle du temple de Villeneuve (1936). 

Marie est vraisemblablement assise. L’homme adulte est un chanoine : figure qui donne son titre à l’œuvre. Il est très certainement agenouillé, buste et visage de trois-quarts, orientés vers le duo. Il est représenté jusqu’à la poitrine, le bras gauche est caché et le bras droit sort du cadre. Ses mains jointes, aux doigts courts et trapus, surgissent du bord inférieur de la composition. Le chanoine porte un manteau de fourrure marron fermé sur le devant et laissant apparaitre un col blanc montant, typique des ecclésiastiques. Ses cheveux sont coupés très courts et se joignent à la barbe rasée mais signalée par un pointillisme gris foncé. Ses lèvres sont charnues, son nez à peine aquilin et ses yeux sont mi-clos, asymétriques et surmontés de sourcils touffus. Deux bagues en or ornent son annulaire et son auriculaire.

Les silhouettes des trois figures dessinent un triangle imaginaire, dont la pointe, décalée vers la droite, coïncide avec la tête de Jésus. 

Derrière les épaules du chanoine, et à la hauteur du ventre de Marie, on entrevoit un parapet blanc. Une sorte de muret sépare les trois personnages du paysage à l’arrière-plan. Ce dernier est constitué d’un terrain brun et ocre annonçant une petite colline sur laquelle se trouvent des habitations aux toits en pentes que l’on trouve dans la campagne vaudoise. Deux groupes de villageois gravissent un chemin rose. Des arbres aux cimes rondes se dressent. Sur la droite, une rangée d’arbres accentue la courbe de la colline. Derrière Marie est tendu un tissu vert clair, sans doute un détail emprunté aux Madones vénitiennes de Giovanni Bellini.

Le ciel est bleu azur, traversé par une légère brume, et des nuages à l’aspect vaporeux. La lumière est étale et les rares ombres façonnent les plis des habits en valorisant leur matière et leur consistance : l’aspect soyeux de la robe de Marie et la douceur de la fourrure portée par le chanoine. 

Trois couleurs principales, le rouge, le bleu et le marron, sont déclinés par le peintre en de nombreuses nuances : rose, ocre, bleu azur, bleu canard, orangé. 

La nature champêtre et villageoise du paysage contraste avec la somptuosité et la richesse des habits de Marie et du chanoine. La nudité de Jésus est choisie en raison de l’iconographie traditionnelle, mais s’oppose, elle aussi, aux fastueux vêtements et bijoux de deux adultes. Cette composition de Louis Rivier s’inspire très certainement de La Vierge au chanoine Van der Paele de Jan Van Eyck (1434-1436, Bruges). Dans l’œuvre de Rivier on retrouve la même attention portée au rendu des matières, aux riches étoffes des vêtements de Marie, à la combinaison des couleurs rouge et bleu canard, à la chevelure de la Vierge, à la délicatesse de ses traits, à la nudité de Jésus et, bien évidemment, à la présence du chanoine. Son visage est une réinterprétation de celui de Van Eyck : même peau flasque des joues, même position agenouillée, même expression sérieuse et absorbée.

Rivier rivalise avec son Maître dans le rendu des détails, dans le réalisme de la carnation et du rendu des matières, comme l’or et les perles de la couronne ainsi que la fourrure du chanoine.

La même double tension (d’un côté l’effet tactile procuré par le rendu des matières et la précision de l’incarnat et, de l’autre, l’artificialité de la situation, des postures et des gestes) se retrouve de façon générale dans la peinture flamande, source d’inspiration pour Rivier. 

Les trois figures, liées et unies par le peintre, sont toutefois isolées : leurs regards et leurs gestes ne se rencontrent pas. Cependant, le format presque carré et le cadrage plutôt serré confèrent à la composition une certaine intimité ; cette sensation est accrue par la présence du parapet qui sépare le groupe principal, sacré, du paysage profane environnant. Cette œuvre devient une icône qui incite non seulement à la contemplation esthétique mais sans doute aussi à la prière.