La gouache est conservée sous la cote: CH AHN CSD A.2/3.
Monogramme tracé sur le muret en bas à droite.
Cette aquarelle représente une maternité promouvant le lait en poudre Nestlé. Louis Rivier s’inspire d’une œuvre célèbre de Raphaël : La Vierge au chardonneret (vers 1506), exposée à la Galerie des Offices à Florence.
Assise sur un muret, une jeune femme (Marie) tient son bébé dans ses bras et le nourrit avec un biberon. Un petit enfant (saint Jean-Baptiste) est debout à côté de la Vierge : il pose son avant-bras gauche sur sa cuisse et avec la main droite soutient son menton dans une pose concentrée de réflexion. Il observe avec intérêt la jeune femme nourrissant son enfant.
Les deux enfants son nus révélant ainsi leurs corps potelés et, selon le propos de la planche publicitaire, sont donc bien nourris. Le bébé (Jésus) en particulier a l’air satisfait. Il regarde en direction de sa mère qui lui sourit en retour. La mère est d’une beauté classique : son visage est ovale et harmonieux, entouré par une belle chevelure châtain clair, ses traits sont délicats et idéalisés. Elle porte une longue robe bleue avec un corset rouge garance et des manches brunes bouffantes mettent en évidence ses épaules légèrement tombantes. Ce vêtement se caractérise par un drapé volumineux et tombe au sol en dessinant une forme pyramidale. Sous les plis, on entrevoit les courbes des genoux et des mollets. Les trois figures sont disposées en une pyramide : la tête de la Vierge coïncide avec le sommet et l’ourlet de sa robe avec la base. La pointe d’un pied apparait sous le vêtement, comme dans la plupart des Vierges à l’enfant peintes par Raphaël.
Le paysage à l’arrière-plan est une réinterprétation helvétique de celui du peintre italien : un pré vert avec quelques légers dénivelés et une étendue d’eau au loin. Au fond, Louis Rivier peint des collines en sfumato surmontées d’un ciel bleu clair traversé par quelques nuages. De part et d’autre du visage de la jeune femme, qui se trouve en position centrale, on voit des arbustes au tronc maigre et au sommet dépouillé très similaires à ceux peints par Raphaël : deux sur la droite et un à gauche. Les arbres, ainsi disposés, accentuent la symétrie de la composition. Aux pieds de la Vierge, et du petit saint Jean-Baptiste, le terrain est brun, agrémenté de quelques buissons d’herbes sauvages.
Le spectateur est intrigué par le biberon que tient la jeune femme. Il le relie au mot « Nestlé » qui apparaît dans l’inscription. LA MATERNITE NESTLE VUE PAR RAPHAEL. Le logo de Nestlé est décliné en deux éléments peints en trompe l’œil, comme s’il s’agissait de deux plaquettes métalliques. Chacun représente un nid abritant des oisillons nourris par leur mère, perchée sur le bord. Logos et légende se démarquent d’un fond neutre foncé.
Le lait Nestlé, dans l’œuvre de Rivier, jouit d’une double célébration : il est l’objet du désir du petit et du plaisir de sa mère qui s’amuse avec lui. Il est aussi célébré par la référence à Raphaël et à sa peinture classique inspirant amour et douceur, le tout magnifié par la référence à la scène religieuse.
Louis Rivier est engagé en 1934 par le groupe Nestlé & Anglo-Swiss Condensed Milk Co. pour concevoir des publicités pour le lait en poudre. Le peintre s’inspire de tableaux de maîtres (Vélasquez, Vermeer, Van Dick, Van Eyck, Raphaël, David) pour réaliser les six planches « à la manière de ». Dans l’esprit de Louis Rivier, la référence aux grands maîtres a pour but de faire connaître à un large public des œuvres prestigieuses. Il entreprend en quelque sorte une démarche de vulgarisation. Mais on peut aussi y voir un léger jeu de la part du peintre. Rivier s’amuse aussi du détournement qu’il effectue dans ces publicités.
Bon état.
LA MATERNITE NESTLÉ VUE PAR RAPHAEL
Cette aquarelle préfigure les illustrations des publicités Nestlé qui seront publiées dans L'Illustration.
Entre 1933 et 1934, Louis Rivier écrit des articles pour La Gazette de Lausanne. Il y remet en cause le pouvoir de la Commission fédérale des beaux-arts qui exerce une pression sur les artistes et favorise la création d’un art officiel. La section vaudoise de la Société des peintres, sculpteurs et architectes conteste cette prise de position et l’activité de critique de Rivier. Celui-ci démissionne en 1934 de cette association. La même année, il peint un Autoportrait qui, exposé au Salon de Paris de 1934, lui vaut son admission à la Société nationale des Beaux-Arts.
En 1935, son père, William Rivier meurt. Il peint l’Autoportrait au compas.
Il poursuit la collaboration avec Nestlé SA. La publication d'un premier dessin dans l’Illustration est interrompue suite à des protestations qui accueillent la première planche. Rivier quitte ses fonctions chez Nestlé.
- Fiche 21 - La Maternité Nestlé vue par David
- Fiche 88 - La Maternité Nestlé vue par Raphaël
- Fiche 207 - La Maternité Nestlé à la manière de Van Dick
- Fiche 235 - La Maternité Nestlé vue par Vermeer
- Fiche 236 - La Maternité Nestlé à la manière de Velázquez
- Danièle SCHNEIDER. 1999. La pub détourne l'art, Genève: Ed. du Tricorne, p.60-70