Pour sa première commande d’œuvre dans une architecture publique, Louis Rivier peint deux longues frises représentant des anges musiciens, courant sur les murs de la nef du temple de Mex, dans le canton de Vaud. Les frises intitulées L'Alléluia de l’Apocalypse épousent la nef du temple en intégrant les arcs en ogive des fenêtres : des guirlandes fleuries s’élèvent au-dessus de celles-ci. L’artiste répartit aussi son cortège musical de part et d’autre des baies.
Pour représenter ce chœur céleste, de nombreux anges, choristes et musiciens sont disposés sur deux à trois rangées superposées dans une composition serrée et statique. Parmi les instruments de musique, on reconnait une harpe, un violoncelle, une flûte, un luth, une trompette et un orgue. Certains anges ont de longues ailes, déployées et pointues. Leurs visages, aux traits stylisés et doux, ainsi que les drapés des longs vêtements aux couleurs brillantes, sont peints à la manière de Fra Angelico. Rose, bleu, vert, orange, rouge, violet : c’est une fête pour les yeux, d’autant plus que les murs du temple sont monochromes. Cette richesse chromatique et cette jubilation figurative sont exceptionnelles pour un temple protestant. Rivier fait ici œuvre de pionnier en imposant la figuration dans l’art sacré protestant.
Le fond bleu ainsi que la bande rouge courant tout au long du bord supérieur ainsi que les guirlandes de fleurs unifient les frises. Toutes deux sont homogènes et harmonieuses, peu d’éléments diffèrent. Elles se font face en un rythme binaire, tel un écho, un répons.
Louis Rivier adopte un style hors du temps, ou plutôt hors de son temps. Il s’inspire très certainement des fresques de Giotto, peintes dans la Chapelle des Scrovegni à Padoue ou encore des peintures de Benozzo Gozzoli. Dans l’œuvre de Rivier, on y retrouve le même fond bleu, les mêmes couleurs vives caractérisant les habits, la présence d’anges disposés en rangées.
La lumière est étale ; les ombres soulignent délicatement les drapés des tuniques, tubulaires et peu réalistes. L’intention est plutôt allégorique - même mystique - et le style figuratif y répond. Le peintre valorise les formes arrondies et douces comme les nombreuses auréoles qui entourent les têtes des anges. En émane une gracieuse délicatesse. Si l’Apocalypse signe la fin du monde, cet Alléluia magnifie la résurrection et la vie.
Le thème des anges musiciens, ou des jeunes musiciens, profanes ou sacrés, sera récurrent dans l’œuvre de Rivier. Ce sujet réunit deux grands intérêts du peintre : le monde de l’enfance et celui de la musique. Ainsi, Louis Rivier célèbre-t-il l’harmonie céleste.
Bon état.
En 1933, les autorités communales demandèrent à l’artiste de restaurer ses peintures noircies par la fumée.
La Crucifixion qui complétait l'ensemble sera détruite lors d’une restauration de l’édifice en 1978.
Il s’agit de deux longues frises, courant sur les murs latéraux de la nef du temple de Mex, dans le canton de Vaud.
Louis Rivier adopte la détrempe dès 1906 jusqu’à la fin des années 1930. La détrempe est une technique traditionnelle de la Renaissance italienne (tempera all’uovo). « La tempera à l’œuf italienne était l’héritière directe de la tradition byzantine […]. Le nombre de tableaux peints à tempera est considérable […]. Elle est pourtant tombée en désuétude au cours des XVIe - XVIIe siècles. ». (François Perego. 2005. Dictionnaire des matériaux du peintre, Paris : Ed. Belin, p. 706).
La recette de Rivier, mise au point par Théophile Robert, comporte du jaune d’œuf, de la résine d’Avar ou copal, de l’huile de noix pure, du vinaigre blanc et de l’eau. (Dario Gamboni, Louis Rivier (1885-1963) et la peinture religieuse en Suisse Romande, p. 97).
Au cours de sa carrière, Louis Rivier rencontre plusieurs difficultés quant à l’emploi de la détrempe. Ces obstacles l’amènent à abandonner momentanément cette technique au profit de l’huile. Mais, « […] après quelques années de tentatives obstinées, il finit par maîtriser la détrempe à tel point qu’il put l’utiliser pour ses paysages aussi bien que pour ses portraits, et pour d’autres compositions. » (Francesco Sapori, Louis Rivier, p. 38).
En 1938-39, Rivier invente, à partir de dessins aux crayons de couleurs, le « procédé spécial », technique qu’il emploiera pour presque toutes ses œuvres même en grand format et réalisées pour des décorations murales. Une exception notoire est la décoration de l’Église orthodoxe grecque de Lausanne qui a été réalisée entièrement à la détrempe, et cela sur une durée de plus de 15 années, jusqu’en 1940.
Le temple de Mex a été élevé en 1580-1582, le clocheton ajouté en 1790 et le porche en 1908-1909. «Il est le plus ancien temple entièrement réformé conservé en terres vaudoises.» (Isabelle ROLAND, Mex au fil du temps, 2016, p. 74.)
En 1908, les jeunes architectes Fernand Grenier (1879 - 1970) et Alfred de Goumoens (1878 - 1970), responsables de la restauration du temple de Mex, invitent Rivier à décorer une fenêtre en forme d’ogive, murée, située derrière la chaire. Comme s’il s’agissait d’un vitrail, Louis Rivier peint l’intérieur muré de la fenêtre avec une Crucifixion. Rivier propose par la suite d’ajouter une frise d’anges musiciens le long des murs de la nef. Il en obtient l’autorisation, mais les autorités se réservent la possibilité de couvrir cette frise d’un badigeon, si le résultat devait déplaire. Rivier accepte et exécute la décoration, inaugurée le 26 septembre 1909. Pendant cette même période (1908-1909), l’artiste étudie à l’École de médecine de Lausanne durant six mois, suivant les cours d’anatomie du professeur Auguste Roux et de dissection.
La proposition de décoration a été adressée à Rivier par les architectes responsables de la restauration du temple de Mex, en 1908.
- Dario GAMBONI. 1985. Louis Rivier (1885-1963) et la peinture religieuse en Suisse Romande, Lausanne: Payot , p.32-33
- Isabelle ROLAND. 2016. Mex au fil du temps, Commune de Mex, p.73-79