La signature est accompagnée de la date de création : 1932.
Ce tableau est une composition allégorique représentant une jeune femme nue avec une touffe de primevères jaunes à sa gauche, deux colombes perchées sur une balustrade et une en vol.
Cette figure féminine nue, peut-être une Vénus, est assise sur un banc en pierre recouvert en grande partie d’un drap aux nombreux plis.
La jeune fille plie le genou gauche et pose la pointe des pieds au sol. Avec les mains, elle maintient le drap légèrement soulevé. C’est une posture construite, soulignant l’élégance des gestes féminins. La tête est tournée vers la droite et son regard suit cette même direction. Le corps est orienté de trois-quarts. Cela crée une légère torsion du buste qui dynamise la pose. La jeune fille sourit, la bouche entrouverte et l’on voit ses dents. Elle porte des cheveux bruns attachés derrière la nuque. Son corps est d’une beauté classique, tout comme son visage aux traits stylisés.
Le contexte est fictif : la jeune fille se tient dans l’angle d’un balcon dont on voit une partie de la balustrade. Le coude droit est posé sur le rebord. Cependant, des roches grises et de s herbes sèches occupent le coin inférieur droit de la composition, comme si ces éléments naturels trouvaient leur place « habituelle », ici, sur une terrasse. Les primevères, couleur jaune vif, captivent le regard du spectateur et aiguisent sa curiosité. Associées à la jeune femme nue, ces fleurs pourraient symboliser le début d’un nouvel amour. L’espoir voué à ce commencement est représenté par les deux colombes perchées sur la balustrade. Une troisième colombe vole, les ailes déployées.
A l’arrière-plan, le paysage se compose d’un terrain ocre, d’un lac, de plusieurs montagnes bleutées se chevauchant et de quelques arbres sans feuilles dont les cimes se disposent à une distance régulière l’une de l’autre. Cette régularité accentue l’impression fictive, presque onirique, de la composition. Le ciel est bleu clair traversé par un grand nuage blanc qui vient se positionner derrière le sommet de la tête de la jeune fille pour s’étaler sur les côtés. Le nuage est une sorte d’aura qui émanerait du visage.
La composition baigne dans une lumière rosée. La gamme chromatique est dominée par le bleu, le vert, le blanc, le marron, le rose de la carnation, mais aussi la touche jaune des primevères. Les ombres façonnent, d’une manière bien définie, les plis du tissu et les volumes du corps, comme s’il était sculpté.
Dans cette composition, Rivier adopte un style académique pour peindre le nu et le drapé - le drapé à l’apparence sculpturale confère au tissu un aspect solide -, et intègre plusieurs éléments symboliques. Il donne ainsi vie à une scène au caractère allégorique.
Bon état.
Louis Rivier adopte la détrempe dès 1906 jusqu’à la fin des années 1930. La détrempe est une technique traditionnelle de la Renaissance italienne (tempera all’uovo). « La tempera à l’œuf italienne était l’héritière directe de la tradition byzantine […]. Le nombre de tableaux peints à tempera est considérable […]. Elle est pourtant tombée en désuétude au cours des XVIe - XVIIe siècles. ». (François Perego. 2005. Dictionnaire des matériaux du peintre, Paris : Ed. Belin, p. 706).
La recette de Rivier, mise au point par Théophile Robert, comporte du jaune d’œuf, de la résine d’Avar ou copal, de l’huile de noix pure, du vinaigre blanc et de l’eau. (Dario Gamboni, Louis Rivier (1885-1963) et la peinture religieuse en Suisse Romande, p. 97).
Au cours de sa carrière, Louis Rivier rencontre plusieurs difficultés quant à l’emploi de la détrempe. Ces obstacles l’amènent à abandonner momentanément cette technique au profit de l’huile. Mais, « […] après quelques années de tentatives obstinées, il finit par maîtriser la détrempe à tel point qu’il put l’utiliser pour ses paysages aussi bien que pour ses portraits, et pour d’autres compositions. » (Francesco Sapori, Louis Rivier, p. 38).
En 1938-39, Rivier invente, à partir de dessins aux crayons de couleurs, le « procédé spécial », technique qu’il emploiera pour presque toutes ses œuvres même en grand format et réalisées pour des décorations murales. Une exception notoire est la décoration de l’Église orthodoxe grecque de Lausanne qui a été réalisée entièrement à la détrempe, et cela sur une durée de plus de 15 années, jusqu’en 1940.
Rivier est établi à Paris logeant à la rue Falguières 9. Il reçoit la commande d’une Crucifixion à peindre dans le choeur du temple protestant nouvellement édifié d’Auteuil qu’il achève en juillet. Ce temple est un bâtiment néo-roman construit par l’architecte suisse Aloys Verrey. Rivier rentre en Suisse et expose au Kunsthaus de Zurich dans l’exposition Turnus de la Société suisse des beaux-arts. A Lausanne à la Grenette, Deuxième exposition de la section vaudoise de la SPSAS, du 8 au 30 octobre.