Il s’agit d’un portrait en plan rapproché de Madeleine Mercier de Loriol, épouse de Georges Mercier, un des meilleurs amis de Louis Rivier et fils de Jean-Jacques Mercier de Molin. Ce dernier fut mécène et commanditaire pour le peintre en finançant le projet de décoration de l’Aula de Rumine à Lausanne et en lui confiant la décoration de la salle à manger du Château de Pradegg à Sierre, dont il était le propriétaire.
Ce portrait, non fini, se trouve au verso d’un tableau des années 1930 représentant Georges Mercier , époux de Madeleine Mercier-de Loriol. Il s’agit certainement d’une étude pour le portrait de Madeleine qui existe en tant que tel. Il met en place des éléments formels qui seront repris : le cadrage, les vêtements, la posture, l’expression et le visage de Madeleine. En revanche, le paysage à l’arrière-plan est différent.
Le visage de la jeune femme est orienté de face, son buste est représenté légèrement de trois-quarts. Elle sourit et instaure une complicité avec le peintre que l’on imagine devant elle. Ses yeux sourient également au spectateur et son regard, suave, manifeste une pointe de malice. Son nez est droit, les sourcils sont bien dessinés et les oreilles sont cachées par une belle chevelure marron entourant son visage. Elle a les cheveux attachés derrière la nuque et partagés par une courte raie centrale. Son front est ample et dessine avec le menton un ovale presque parfait et d’une grande douceur. Son cou, long et sinueux (presque maniériste), accentue la délicatesse de ses traits. Ses épaules, légèrement tombantes, sont couvertes d’une étole de fourrure sombre. Son décolleté, lui aussi de forme ovale, est valorisé par un collier de perles blanches. Elle porte une robe gris-brun qui se fond avec le paysage, caractérisé par un terrain marron et par des collines bleu-vert. Le paysage est surmonté par un ciel vaporeux aux couleurs chaudes d’une fin d’après-midi : indigo, gris-bleu, orange pâle.
Malgré l’état de l’œuvre, on saisit le réalisme presque photographique de la figure de Madeleine. Louis Rivier prête une attention particulière au rendu de la carnation. Chaque détail du visage, même pour ce portrait non fini, est peint avec une grande précision. Le regard en particulier est perçant et semble briller grâce à une lumière qui émane de l’intérieur.
La gamme chromatique de ce petit portrait comprend des nuances sobres et harmonisées : couleurs atténuées dont les tonalités rappellent certains tableaux de Léonard da Vinci. On pense en premier lieu à La Joconde (début XVI siècle), mais aussi à La Dame à l’hermine (1489) dont la douceur des traits, la forme ovale du visage, la sinuosité du cou, les épaules tombantes et même le détail du collier de perles se retrouvent dans le portrait de Louis Rivier. Le peintre met en valeur la beauté classique et la grâce atemporelle de Madeleine Mercier-de Loriol.
Etat détérioré de la surface peinte.
Cette étude se trouve au verso du portrait de Georges Mercier.
Louis Rivier adopte la détrempe dès 1906 jusqu’à la fin des années 1930. La détrempe est une technique traditionnelle de la Renaissance italienne (tempera all’uovo). « La tempera à l’œuf italienne était l’héritière directe de la tradition byzantine […]. Le nombre de tableaux peints à tempera est considérable […]. Elle est pourtant tombée en désuétude au cours des XVIe - XVIIe siècles. ». (François Perego 2005. Dictionnaire des matériaux du peintre, Paris : Ed. Belin, p. 706).
La recette de Rivier, mise au point par Théophile Robert, comporte du jaune d’œuf, de la résine d’Avar ou copal, de l’huile de noix pure, du vinaigre blanc et de l’eau. (Dario Gamboni, Louis Rivier (1885-1963) et la peinture religieuse en Suisse Romande, p. 97).
Au cours de sa carrière, Louis Rivier rencontre plusieurs difficultés quant à l’emploi de la détrempe. Ces obstacles l’amènent à abandonner momentanément cette technique au profit de l’huile. Mais, « […] après quelques années de tentatives obstinées, il finit par maîtriser la détrempe à tel point qu’il put l’utiliser pour ses paysages aussi bien que pour ses portraits, et pour d’autres compositions. » (Francesco Sapori, Louis Rivier, p. 38).
En 1938-39, Rivier invente, à partir de dessins aux crayons de couleurs, le « procédé spécial », technique qu’il emploiera pour presque toutes ses œuvres même en grand format et réalisées pour des décorations murales. Une exception notoire est la décoration de l’Église orthodoxe grecque de Lausanne qui a été réalisée entièrement à la détrempe, et cela sur une durée de plus de 15 années, jusqu’en 1940.
L’œuvre appartient depuis l'été 2022 au Musée d'art du Valais, à Sion. Elle est en dépôt au Château Mercier, à Sierre.
La date de cette esquisse est inconnue mais comme pour le Portrait de Georges Mercier et celui de Madeleine Mercier-de Loriol, nous la datons du début des années 1930.
En 1930, Louis Rivier séjourne en Toscane. En Suisse, il réalise dix-sept vitraux de la Cathédrale de Lausanne. Par la suite, il s’installe seul à Paris. En 1932, il peint une Crucifixion dans le chœur du temple protestant nouvellement édifié d’Auteuil, qu’il achève en juillet. Un an plus tard, il réalise le décor du temple de Puteaux. Il fait les trajets entre Lausanne et Paris tous les mois. Il écrit des articles pour La Gazette de Lausanne. En 1934 il peint un Autoportrait qui, exposé au Salon de Paris de la même année, lui vaudra son admission dans la Société nationale des Beaux-Arts. Rentré en Suisse, il commence une collaboration qui durera un an, avec Nestlé&Anglo-Swiss Condensed Milk Co. et dessine des publicités pour le lait en poudre dont certaines paraissent dans L’Illustration. En 1936, il décore une chapelle du temple de Villeneuve. Il commence à dessiner avec les crayons de couleur et la gomme pour lisser la couleur. Il réalise sa première planche de la Bible, celle de la Nativité.