Louis Rivier peint une mère portant un bébé dans ses bras. Le petit enfant est Robert, septième enfant du couple, né en août 1925 et la mère est Julie. La jeune femme est représentée de trois-quarts, le buste légèrement tourné vers la gauche en direction de l’enfant. Elle porte dans ses bras son enfant. Le bras droit au tout premier-plan, souligne la partie inférieure du tableau. La tête de Julie s'incline vers le front de l’enfant dans une posture qui inspire tendresse et douceur. Elle porte une robe rouge et un châle blanc, vêtement et accessoire que l’on retrouve dans plusieurs autres tableaux de Mère à l’enfant. Julie est coiffée de son habituel chignon, on aperçoit quelques cheveux blancs parmi les autres plus foncés. Son regard est serein et en même temps absent, comme absorbé par une pensée qui la laisse comme songeuse. Le bébé est représenté jusqu’au-dessous du nombril, il a le torse nu. Il entoure avec son petit bras droit le cou de sa mère et l’on voit apparaitre, derrière la nuque de la mère, les bouts de ses doigts. Sa main gauche se pose sur celle de sa mère. Les deux mains superposées ont la même position. Ce détail ajoute une note supplémentaire de tendresse, de sécurité et de complicité à la scène. Le bébé sourit légèrement et, curieux, observe quelque chose qui se trouve hors champ.
Les deux figures dessinent un cercle imaginaire dont la circonférence est donnée par le bras droit de la mère, le bras gauche de l’enfant, les sommets de leurs têtes, la nuque de la mère et son épaule.
Les figures se tiennent devant un paysage: un pré vert, quelques arbres, des nuages blancs. On se situe sans doute dans le verger de la propriété de Mathod avec le mur d'enceinte qui apparaît à l’arrière-plan. Il n’y a presque pas d’ombres, sauf celles créées par le drapé du châle de la jeune femme et les feuillages des arbres. Le moment de la journée est indéterminé, temps comme sacralisé qui confère une atemporalité à la composition.
Intitulé Mère à l’enfant, ce tableau fait référence à un genre traditionnel de la peinture religieuse : la représentation de Marie avec Jésus. Ses sources d’inspiration sont très certainement les Madones de Raphaël. Cependant, Louis Rivier rend profane ce thème religieux, en peignant les membres de sa propre famille. La composition entre en résonance avec la grande peinture religieuse et en même temps propose une sorte d’un cliché de la vie quotidienne : un instant de vie familiale et d’affection entre Julie et Robert.
Bon état.
Louis Rivier adopte la détrempe dès 1906 jusqu’à la fin des années 1930. La détrempe est une technique traditionnelle de la Renaissance italienne (tempera all’uovo). « La tempera à l’œuf italienne était l’héritière directe de la tradition byzantine […]. Le nombre de tableaux peints à tempera est considérable […]. Elle est pourtant tombée en désuétude au cours des XVIe - XVIIe siècles. ». (François Perego. 2005. Dictionnaire des matériaux du peintre, Paris : Ed. Belin, p. 706).
La recette de Rivier, mise au point par Théophile Robert, comporte du jaune d’œuf, de la résine d’Avar ou copal, de l’huile de noix pure, du vinaigre blanc et de l’eau. (Dario Gamboni, Louis Rivier (1885-1963) et la peinture religieuse en Suisse Romande, p. 97).
Au cours de sa carrière, Louis Rivier rencontre plusieurs difficultés quant à l’emploi de la détrempe. Ces obstacles l’amènent à abandonner momentanément cette technique au profit de l’huile. Mais, « […] après quelques années de tentatives obstinées, il finit par maîtriser la détrempe à tel point qu’il put l’utiliser pour ses paysages aussi bien que pour ses portraits, et pour d’autres compositions. » (Francesco Sapori, Louis Rivier, p. 38).
En 1938-39, Rivier invente, à partir de dessins aux crayons de couleurs, le « procédé spécial », technique qu’il emploiera pour presque toutes ses œuvres même en grand format et réalisées pour des décorations murales. Une exception notoire est la décoration de l’Église orthodoxe grecque de Lausanne qui a été réalisée entièrement à la détrempe, et cela sur une durée de plus de 15 années, jusqu’en 1940.
Le tableau a certainement été peint à Mathod lors d'un séjour de la famille dans la propriété de Julie. Le petit Robert semble avoir 10 mois environ. La date de 1926 laisse apparaître celle de 1925, comme si Louis Rivier avait modifié un chiffre.
En 1926, Louis Rivier réalise la verrière du temple de Chavornay. Dans le temple de Broye de Prilly, il peint durant neuf mois plus de 250 figures. La décoration est achevée en février 1927. Il séjourne à Florence.I l expose avec d’autres artistes au Musée Rath à Genève du 2 au 24 octobre. Il expose le Triomphe de la Mort au Salon de la Nationale au Grand-Palais des Champs-Elysées à Paris.
- Sous la direction de Véronique MAURON, Marie-Odile VAUDOU et Marie ANDRÉ. 2013. Louis Rivier : l’intimité transfigurée, Berne, Lausanne : Till Schaap Edition, Association des Amis de Louis Rivier, p.53