Louis Rivier écrit à son père, William Rivier. Il raconte d’une excursion en bicyclette avec sa famille, parle du beau temps et l’informe de l’évolution de son œuvre le Triomphe de la Mort. Il dit avoir peint plusieurs petits paysages de montagnes (Cervin, Mont Rose) et lacustres (lac Riffel) et avoir terminé les vitraux de Faoug, dans le canton de Fribourg. Il fait référence à plusieurs faits familiaux.
Transcription de la lettre :
Mathod le 11 juillet 1924
Cher papa,
Nous voici installés ici délicieusement et par un temps magnifique. Hier, Julie est venue en train avec les deux bonnes, Ruth et les quatre petits, pendant que Jean Louis, André et moi faisions le trajet en bicyclette par Bournens, Bavois, Chavornay, Ependes. Le temps était d’une fraîcheur exquise, pas un seul moment nous n’avons souffert de la chaleur, et toute cette randonnée (pour les petits, j’entends) s’est effectuée sans fatigue, et avec un plaisir continu. Aujourd’hui, le temps se maintient aussi beau ; si l’on pouvait avoir une belle […] après toute cette humidité ce serait délicieux. Je me demande, au temps si frais qu’il fait ici si vous ne devez pas avoir froid là haut (sic).
Je te remercie beaucoup de ta bonne lettre. Tu as bien raison de me rappeler ces vérités élémentaires qu’on ne peut assez répéter. C’est bien un peu dans ce sens […] que j’ai […] mon travail au T. de la Mort plusieurs jours avant de venir ici. Je le reprendrai plein d’entrain cet automne et le mènerai je crois assez rapidement à chef. Il me faut un certain recul pour voir ce que je peux encore enlever. Je ne veux laisser que ce qui est absolument significatif. J’ai profité de ce temps de […] pour faire plusieurs petits paysages, Cervin et Mont-Rose et lac du Riffel. J’ai réussi à terminer mes vitraux de Faoug ce qui fait que j’aurai un été tranquille.
J’ai reçu mes cadres d’Italie deux d’entre eux sont vraiment de toute beauté et je me félicite d’avoir fait ce marché.
La lettre de Blanche arrivée hier fait allusion à un drame du travail qui s’est déroulé à Barberine et dans lequel Etienne aurait joué un rôle très noble. Nous serions heureux d’avoir des détails, ne sachant absolument rien de cette histoire, sauf qu’Etienne ne s’est pas facheusement [?] ressenti d’avoir aussi risqué sa vie.
Nous sommes aussi très heureux de savoir Jean de nouveau en situation. J’espère que c’est un travail bien en rapport avec ses capacités et suffisamment rétribué.
Les tableaux sont arrivés de Neuchâtel, mais d’après la carte adressée à Aimé Bechtold et décrivant le contenu, le dessin de Sophie ne s’y trouve pas. Je n’ai pas eu le temps de déballer la caisse, ayant été surchargé ces deux derniers jours, mais elle se trouve dans […] premier corridor. J’ai déposé la clef de notre maison sur ton bureau. Je crois que les tableaux sont en tout à fait bon état, la caisse n’ayant aucune […].
Je pense qu’il suffira que Sophie écrive à Neuchâtel pour qu’on lui envoie son dessin directement, si on ne l’a déjà pas fait.
C’est bien malheureux que Gilbert [?] ait attrappé (sic) la coqueluche juste à ce moment, pourvu que cela n’entrave pas le séjour que Berthe doit faire à Jouxtens et dont elle a un si grand besoin. Les dernières nouvelles nous disaient qu’on pouvait […] Adèle à la montagne. Nous avons laissé Hélène hier, Jean devait arriver le lendemain de notre départ ; je regrette beaucoup de l’avoir manqué ainsi de quelques heures.
Dis bien des choses affectueuses à tous quand tu les verras, et reçoit (sic), cher papa, un baiser bien affectueux de ton fils.
Louis RIVIER.
P.S. Nous sommes reconnaissants [?] … André entré en bon …du collège
Bon état.
En 1924, Louis Rivier peint toute une série de petits paysages, dont les motifs sont choisis dans les environs du château de Mathod où il séjourne durant l’été.
La même année, il conçoit le vitrail pour le temple de Mézières et organise une exposition personnelle à la Grenette à Lausanne. Plus de cent œuvres y figurent. L’œuvre la plus importante, par ses dimensions, est le Triomphe de la Mort dont l’idée lui était venue lorsque, malade à Paris, il était condamné à l’inaction. En 1907 déjà, il en avait tenté une première réalisation, sur une toile de sept mètres de longueur et de trois mètres de largeur. Gêné dans son travail par le grain du tissu, il recommença sur trois panneaux de bois formant un triptyque. Contraint de s’interrompre à nouveau du fait de ses nombreux travaux décoratifs, il reprend son ouvrage en 1924 et réussit enfin à le terminer. (Richard HEYD. 1943. Rivier, Neuchâtel et Paris : Editions Delachaux et Niestlé, pp. 91-92)
Rivier met en place le projet de vitraux pour la Cathédrale de Lausanne. Il entreprend la décoration du temple de Corcelles (Neuchâtel) et achève les vitraux de Faoug.
Il expose le Portrait de famille au Salon de Paris de 1924. Lettre de Louis Rivier à son père William-Mathod 19 juillet 1923 : « Je travaille actuellement avec entrain au portrait de famille qui avance bien et qui sera je crois une des choses les plus intéressantes à faire que j’aie eue en chantier. Je me sens maître de mes moyens et la possibilité d’exécuter une œuvre de cette nature, sans modèle est d’un grand avantage. Je sens se préciser ma conception de l’œuvre d’art : elle se ramène pour moi à la création d’une atmosphère spirituelle , d’une ambiance mystérieuse et parlante ; la grande erreur de notre époque c’est de croire que cette atmosphère dépend de « faire », de la technique, alors qu’elle provient de développement en précisant l’image intérieure, de la nécessité que cette image impose à l’artiste, de la façon dont celui-ci subordonne toutes ses intentions personnelles, toutes ses manies, tous ses dadas, à l’expression intégrale et précise cette vision. Mais combien d’artiste aujourd’hui qui n’ont plus même la notion de ce que c’est que cette image intérieure , de , c’est beaucoup , je crois, le résultat du préjugé de la notation […] directe , du travail d’après nature qui a permis d’arriver à un résultat même quand l’âme de l’artiste était vide et sèche ; et je me demande quelques fois si tous le mouvement moderne n’est pas en quelque sorte le résultat de la sensation confuse de cette vérité et l’application de différentes méthodes thérapeutiques à ce mal qu’il sent profond et incarné.» Fonds Louis Rivier, SIK-ISEA, Lausanne.
Les éditeurs Delachaux et Niestlé, à l’instigation de la famille du peintre Paul Robert, commandent à Rivier une biographie de son maître.
Avec quelques portraits et compositions, dont le Jugement de Pâris, Rivier constitue un ensemble qu’il expose à la galerie Lador à Genève. Il y intègre de très nombreuses esquisses et études pour les peintures de l’Aula du Palais de Rumine.