Le spectateur est introduit dans le paysage forestier par un sentier sinueux qui commence hors champ et qui s’avance jusqu’au point de fuite situé au fond de la futaie. Devant, de part et d’autre du chemin, de grands arbres encadrent de manière symétrique le passage comme une entrée. Au centre, une mare dans laquelle se reflète la végétation trace une ellipse dans cette forêt de lignes verticales. Un pré vert brillant la circonscrit comme une auréole. Une végétation de plus en plus dense annonce un bois profond. Les cimes des arbres disparaissent de la composition, mais on en aperçoit parfois quelques branches avec leurs feuillages verts qui créent des taches de couleur rehaussant la partie supérieure du tableau qui s’assombrit dans le lointain. La lumière rose, orange et jaune provenant de la gauche éclaircit le pré, frappe quelques troncs et une partie du sentier. Le reste de la composition est plongée dans la pénombre.
La composition dégage une sensation de fraîcheur et d’humidité engendrée par la palette des verts clairs, jaunes, orangés et bruns, couleurs caractéristiques d’un sous-bois peu exposé au soleil. La technique picturale employée par Louis Rivier favorise cette sensation car le peintre procède par petites touches ressemblant à des gouttelettes. Le geste du peintre est rapide, libre et fait vibrer la composition. L’artiste utilise à la fois la pointe et la touffe du pinceau selon l’effet qu’il désire obtenir. La peinture à l’huile accentue, grâce à une application par fines couches superposées, la brillance et l’humidité de l’herbe ainsi que la texture des écorces. L’eau sombre de la mare semble plus épaisse. L’arrière-plan, mystérieux et engloutissant le sentier, invite le spectateur à suivre par le regard et en imagination le cours de cette forêt silencieuse.
De ce paysage se dégage une expression pénétrante d’intériorité. On pressent une promenade autant réelle que mystique.
Bon état.
Louis Rivier utilise la peinture à l’huile au début de sa carrière et jusqu’en 1906, année où il l’abandonne pour la détrempe. Cet abandon n’est cependant pas définitif et naît d’une phase de recherche et de questionnement. Laquelle de ces deux techniques peut mieux révéler la lumière des choses, la qualité des matières, le réalisme d’un incarnat ? Louis Rivier opte pour la détrempe pour ensuite revenir à l’huile au début des années 1920, mais seulement pour une courte période.
Dans les années suivantes, on rencontre rarement des œuvres réalisées à l’huile. Il s’agit de quelques portraits et de rares paysages. Pour les premiers, le choix s’explique en raison des sources d’inspiration de Louis Rivier : on pense notamment à l'influence de l’art flamand. Pour les paysages, il s’agit vraisemblablement d’un choix technique qui reste cependant exceptionnel dans l’ensemble de son abondant corpus.
Au printemps 1911, Louis Rivier voyage en Italie : Rome, Florence, Ravenne, Padoue et Venise. Il épouse en septembre 1911 Julie de Rham. Le couple s’installe à Jouxtens dans la maison où William Rivier a fait construire un atelier. Il expose dans les Galeries du Commerce à Lausanne et, à Paris, à l’invitation d’Eugène Burnand, au Pavillon de Marsan dans l’Exposition d’art religieux de la Société de Saint-Jean.
- Sous la direction de Véronique MAURON, Marie-Odile VAUDOU et Marie ANDRÉ. 2013. Louis Rivier : l’intimité transfigurée, Berne, Lausanne : Till Schaap Edition, Association des Amis de Louis Rivier, p.92