Descripteurs généraux
Mots-clés formels
Mots-clés iconographie
Titre:
La Vierge aux pressentiments
Auteur:
Louis Rivier
Date de création:
1946
Description iconographique:

Louis Rivier peint une jeune femme assise, tenant délicatement son petit enfant. Le titre, La Vierge aux pressentiments, oriente la lecture de cette œuvre en une maternité religieuse.

A l’arrière-plan, les personnages anticipent visuellement les événements dramatiques futurs concernant le petit enfant : à gauche, on le voit adulte en train de porter la croix et, à droite, son corps mort est transporté en direction du tombeau. Cette représentation simultanée d’épisodes successifs dans le même espace pictural est une pratique artistique appartenant à l’époque médiévale tardive et au début de la Renaissance Italienne. On pense notamment aux fresques de Masaccio consacrées à la vie de saint Pierre dans la Chapelle Brancacci à Florence (dès 1424) : dans Le paiement du tribut, par exemple, Masaccio concentre dans la même composition trois moments chronologiquement différents, tous concernant la vie de saint Pierre.

Au premier plan, la Vierge a le visage orienté de trois-quarts, penché en direction du front du bébé. Elle baisse les yeux ; elle a l’air affligée, mais résignée. Les traits de son visage sont délicats. Quelques boucles apparaissent sous le voile rouge qui lui couvre tête et épaules. Elle est habillée selon la mode du nord avec une veste d’inspiration flamande taillée dans un tissu épais, couleur marron foncé, agrémenté de bords en fourrure. Autour de la taille, elle porte un tablier blanc noué avec une corde. Jésus est nu, il est âgé d’environ un an et il se tient débout, en équilibre sur les genoux de sa mère, un pied devant l’autre comme s’il allait grimper sur elle. Marie le maintient en posant une main derrière sa cuisse droite et l’autre sous son pied gauche. Le petit s’accroche au cou de sa mère et la regarde, un brin préoccupé. Il aimerait la consoler et la rassurer, il lit dans son expression une certaine inquiétude : Marie a des pressentiments, elle prévoit la mort de son enfant. Ensemble, ils dessinent une pyramide imaginaire dont le sommet coïncide avec la tête de la Vierge.

La nature se déployant derrière leurs silhouettes est indéfinie : on aperçoit une terre brune et orangée et un étang sur la droite. A l’arrière-plan, le paysage se précise. Sur la gauche, on voit une rangée de façades aux couleurs pastel peintes en perspective ; plus loin, un château fort avec des tourelles aux quatre coins. Un arbre très vert précède ces constructions. Par-delà un muret de pierres, se trouve Jésus, adulte, représenté de dos et en train de s’écrouler. Il porte la croix et il est escorté par un centurion ; quelques habitants les observent. Un deuxième centurion, à cheval, ouvre la voie et marche en direction du mont. Sur la droite, Louis Rivier représente l’épisode de « La Mise au tombeau » : le corps mort du Christ est enlevé de son linceul ; son bras tombe exsangue au sol. Il est soutenu par quatre hommes parmi lesquels on peut très certainement identifier Joseph d’Arimathie et Nicodème. Marie, accablée, est agenouillée au sol. Derrière ce groupe de personnages, on aperçoit le tombeau creusé dans la roche. Ces deux épisodes bibliques se déroulant dans un autre temps et situés à l’arrière-plan de la composition fonctionnent comme des micro-scènes prolongeant et complexifiant la simplicité du duo de la Vierge à l’Enfant.

Au loin, le paysage se caractérise par des collines aride, marron clair. Les reliefs se chevauchent et sont ponctués de quelques arbres. Dans l’ensemble, cette nature est plutôt dépouillée et il en émane une sensation de désolation. Le ciel, occupant la partie supérieure de la composition, est bleu-vert, traversé par quelques nuages gris.

La lumière est étale ; les rares ombres façonnent les plis des habits de Marie et soulignent les volumes du corps nu de l’enfant. La palette chromatique est sobre, dominée par des teintes terriennes et rehaussée par le rouge garance du voile de Marie ainsi que du blanc bleuté de son tablier. Le corps nu de Jésus, jaune pâle confère au duo une nuance de candeur et de pureté. Au deuxième plan, des taches de couleur animent la composition : la tunique rouge de Jésus portant la croix, les habits des centurions et ceux des porteurs du Christ mort.

Les attributs traditionnels de Marie et de Jésus sont réduits au minimum et se limitent au voile et à la nudité du bébé. Louis Rivier peint avant tout une mère et son enfant, complices et unis, dans un moment d’intimité.