Descripteurs généraux
Mots-clés formels
Mots-clés iconographie
école
Titre:
Adoration des bergers
Auteur:
Louis Rivier
Date de création:
1947
Description iconographique:

Cette grande composition religieuse représente la visite des bergers venus adorer Jésus à sa naissance.

Au centre, Louis Rivier situe la Vierge Marie tenant son fils dans les bras. Elle vient de le sortir d’un berceau en bois. Le petit est enveloppé dans un ample tissu blanc. Marie est une jeune femme au visage doux et harmonieux. Son expression est comme absorbée par une pensée et ses lèvres sont serrées ; elle a l’air songeuse. Elle est habillée d’une longue robe rouge garance, au-dessous de laquelle on entrevoit une bretelle blanche qui tombe sur l’épaule : c’est un détail de grand réalisme. Joseph se trouve sur la droite, il se penche en avant et couvre les épaules de son épouse avec un châle en fourrure. Contrairement à l’iconographie classique, il n’est pas très âgé. Il est vêtu d’une blouse blanche et d’une veste brun rose sans manches, ouverte sur le devant, serrée autour de la taille par une ceinture. Un mètre pliant de menuisier sort de sa poche gauche : c’est aussi un détail réaliste. Il est coiffé d’un foulard et il porte une barbe à l’apparence duveteuse. Il sourit imperceptiblement et il a une expression attentionnée envers Marie. Juste derrière lui, on aperçoit une veste noire accrochée à un pilastre en pierre : il s’agit probablement de son pardessus. Ce détail confère un caractère domestique et narratif à la composition.

La délicatesse de la Vierge et la candeur du bébé contrastent avec la rudesse des visages des bergers disposés tout autour de la sainte Famille. Ils rappellent les villageois aux traits caricaturaux peints au XVIe siècle par Pieter Brueghel. Les barbes hirsutes, les mains robustes et musclées, les vestes épaisses, les rides profondes, tout, dans leurs costumes, attitudes et expressions, laisse apparaître les marques du travail manuel et la rudesse de la vie de berger. Deux d’entre eux sont agenouillés à côté du berceau (l’un est habillé en vert sauge et l’autre en bleu et en rouge) ; un vieillard se penche en avant en direction du bébé, le dos courbé et les bras croisés ; deux autres pasteurs, plutôt âgés, portent de longues barbes, sont coiffés de chapeaux et habillés d’amples manteaux noirs. Une figure se démarque des autres : c’est un jeune homme aux traits fins, vêtu de beige. Il porte une large et ample cape sur une longue jupe. Il chausse des sandales tressées au dessin élaboré et est coiffé d’un grand chapeau conique.

Derrière ce groupe de personnages, d’autres têtes surgissent, laissant imaginer toute une foule amassée. Leurs rires, ainsi que leurs gestes animés manifestent curiosité et joie. C’est une journée spéciale, bouleversée par un évènement exceptionnel.

Les enfants ont eux aussi une place dans le tableau. Sur la gauche, un petit berger serrant, lui aussi, un bâton dans la main, escorté par un grand chien, se faufile entre les adultes pour observer la scène. Il porte un doigt à la bouche dans un geste de surprise. Sur la droite, un autre bambin, les mains posées sur un muret en pierre, scrute de loin les visiteurs. Ses yeux sont écarquillés et sa bouche est entrouverte.

La composition affiche un plan rapproché et cadré de manière assez serrée. Marie, Joseph, Jésus et les bergers en adoration se trouvent vraisemblablement sous une grange dont on voit juste un croisement de poutres en haut et à gauche. Sur la droite, le pilastre en pierre et le muret laissent aussi imaginer un espace abrité mais, en même temps, ouvert et donnant sur l’extérieur. Les personnages se distinguent d’un arrière-plan constitué d’un village traversé par quelques habitants surmonté d’un ciel bleu clair légèrement nuageux. Parmi les bâtiments représentés, on reconnait le château d’Yverdon-les Bains et l’école de Mathod. Louis Rivier fait donc preuve d’éclectisme et invente un paysage inspiré par les lieux qui lui sont familiers.

La structure architecturale abritant la sainte Famille et les bergers, quant à elle, se plie aux exigences figuratives de Rivier : le muret sert d’appui au petit enfant curieux ; le pilastre en pierre sert de support au manteau de Joseph ; les poutres indiquent la présence d’un toit protégeant l’enfant et sa mère des intempéries. Comme s’il s’agissait d’un intérieur de maison, à l’extrémité droite de la composition, on voit une bassine en cuivre remplie d’eau, posée sur une table nappée. La bassine est identique à celle figurant dans La Toilette (1927). La vaisselle en cuivre constitue un objet-clé de plusieurs œuvres flamandes : on pense notamment à la Jeune Femme à l'aiguière (1658, environ) de Johannes Vermeer. Louis Rivier introduit souvent ce type d’objet dans ses œuvres et, en particulier, là où il désire introduire l’intimité et la chaleur domestiques. Table et bassine forment aussi une nature morte dans le tableau.

La lumière est étale et les ombres façonnent les plis des habits. Les rares ombres portées soulignent les pieds des personnages du premier plan, ainsi que la base du berceau, au sol. Les couleurs dominantes sont le brun, le rouge garance, le rose, le bleu et le vert, déclinées en plusieurs nuances. Le blanc est aussi présent et illumine la partie centrale de la composition (le drap de Jésus, la chemise de Joseph et le foulard du berger de profil) mais aussi la partie supérieure, caractérisée par quelques cumulus. Le brun, l’ocre, le marron clair et le beige sont des couleurs de terre, rappelant le travail des bergers, nomades en contact avec la nature.

La composition est fondée sur deux lignes verticales (poutre et mur) qui encadrent la scène principale. D’autres verticales s’ajoutent, comme le clocher de l’école, la tour du château, le bâton du berger coiffé d’un grand chapeau et les pieds du berceau. Des obliques ajoutent du rythme : les deux bâtons des bergers, le corps en mouvement de Joseph.

Cette Adoration des bergers fourmille de vie et de détails. Le regard du spectateur est, tout d’abord, captivé par la blancheur du drap enveloppant le bébé. Ses yeux se déplacent, par la suite, vers le visage de la Vierge et suivent les contours de ses bras ; ceux-ci serrent et cernent le corps du bébé en dessinant une forme d’ovale. Son attention se porte ensuite sur les bergers agenouillés, puis sur les figures debout et, enfin, vers le paysage peint au loin. Cependant, Louis Rivier sollicite sa curiosité en lui laissant également le choix de suivre des pistes visuelles alternatives. La partie inférieure de la composition, par exemple, est une composition en soi : si on se focalise sur le premier quart de l’espace, dans le sens horizontal, on apprécie le croisement volontairement chaotique, et presque frétillant, des pieds des bergers, des pattes du chien, des pieds du berceau et de ceux de la table, les pointes des bâtons et les deux chapeaux posés au sol. Et encore : au-dessous de la table, on peut apercevoir un seau avec une sorte d’éponge et, calé entre la nappe, la base de la table et le seau, on discerne le pied de Joseph. Il se hisse sur la pointe des pieds et chausse une pantoufle. La composition s’anime de ces petites situations, ou micro-scènes, représentées de manière réaliste. C’est une surprise pour l’œil qui les capture dans ce foisonnement de figures. L’attention est ainsi fractionnée, mais jamais dispersée, car la structure sous-jacente de l’œuvre reste symétrique : les poutres de gauche correspondent au pilastre de droite, la Vierge est au centre et sa tête est couronnée par le clocher de l’école. Le message religieux est présent mais comme actualisé par les détails d’une vie quotidienne villageoise