Le spectateur est introduit dans le tableau d’une manière immédiate et insolite : Louis Rivier adopte un point de vue situé au centre du cours d’eau. Le ruisseau se rétrécit en perspective et disparait dans la végétation dense et sombre. Des arbres et des buissons aux feuillages touffus bordent le cours d’eau. Des premiers, on voit seulement les troncs et le commencement des cimes. L’eau reflète les couleurs de la forêt qui l’entoure et, vraisemblablement, l’azur d’une portion de ciel s’ouvrant au-dessus des arbres. Le ruisseau est peint par touches vives et rapides marron, vertes et bleues. La consistance de la peinture à l’huile procure une impression de densité.

L’ensemble de la composition est caractérisé par des tonalités froides, allant du bleu, au vert brillant et foncé des arbres : ces couleurs typiques d’un sous-bois peu exposé au soleil dégagent une sensation de fraicheur et d’humidité. Le marron de l’eau et des troncs assombrit la gamme chromatique la rendant davantage terrienne.

Le tableau est rythmé par la lumière venant de la droite qui frappe les troncs des arbres de stries blanches et roses, puis le talus herbeux d’une grande clarté. Les arbres projettent leurs ombres sur la surface de l’eau en l’obscurcissant par endroits. Le reste de la composition est plongée dans la pénombre.

Le sous-bois est un thème iconographique cher au peintre qui le représente souvent. Cependant, ce tableau-ci diffère des autres par la présence du ruisseau coulant au centre de la composition. Le cours d’eau remplace ici le sentier représenté dans la plupart des sous-bois de Louis Rivier.

Comme tous ses paysages, celui-ci aussi a très certainement été peint en atelier et non d’après nature. Il résulte donc d’une activité autant d’observation que de transfiguration. Ici, Louis Rivier focalise son attention sur le rendu atmosphérique et sur les effets de la lumière sur la couleur. Le geste du peintre est rapide, libre et fait vibrer la composition. L’artiste utilise à la fois la pointe et la touffe du pinceau selon l’effet qu’il désire obtenir. L’arrière-plan, mystérieux et engloutissant le ruisseau, invite le spectateur à entrer par son regard et son imagination au cœur de cette forêt silencieuse.