Il s’agit d’une composition religieuse représentant la rencontre entre Jésus et les deux disciples d’Emmaüs. Selon le récit biblique, après la découverte du tombeau du Christ vide, deux pèlerins en marche vers le village d’Emmaüs rencontrent Jésus ressuscité. Plongés dans le désarroi causé par sa mort, ils sont désespérés et ils ne le reconnaissent pas. Les pèlerins invitent l’inconnu à rester avec eux pour le soir. Lors du repas, Jésus rompt le pain et prononce la bénédiction. C’est à ce moment-là que les deux hommes reconnaissent en lui le Christ ressuscité. Dans sa composition, Louis Rivier représente le moment de la bénédiction ainsi que la surprise des pèlerins ayant reconnu Jésus.

Les personnages sont disposés sous une construction hybride, une sorte de véranda rappelant une loggia italienne. L’architecture est minimaliste : un sol constitué de planches, des piliers et des poutres en bois, des parois peintes en blanc. Les piliers ont une forme bombée qui les apparente à des colonnes en marbre. Le côté droit de la structure est ouvert et donne sur un paysage de collines.

Au centre, assis autour d’une table nappée, on voit Jésus en train de rompre le pain et les deux hommes visiblement stupéfaits. Ils font le geste de porter leurs mains à la bouche et se lèvent du banc sur lequel ils sont assis. Leurs visages manifestent une grande stupeur.

Au contraire, Jésus, dans une posture assise et figée, exprime calme et imperturbabilité. Il est habillé d’une tunique rose et d’un châle vert. Les disciples d’Emmaüs portent respectivement une tunique vert amande et une tunique bordeaux.

Sur la droite, au deuxième plan, une figure féminine fait son apparition. Sa silhouette est encadrée par une porte ouverte qui laisse imaginer la présence d’autres pièces. Elle tient une assiette dans les mains et s’apprête vraisemblablement à servir les trois hommes. La jeune femme est habillée en rouge et un bleu.

A gauche, on admire le paysage. Au loin, on aperçoit des reliefs bleutés surmontés d’un ciel orangé et indigo, typique d’une fin de journée. Les montagnes se prolongent par quelques collines vert foncé et un pré aux nombreux dénivelés traversé par un sentier zigzagant. Parmi les collines, un village est perché. Des cyprès et d’autres arbres au feuillage abondant ponctuent le paysage. Plus proche de Jésus, un arbre dépouillé, aux branches fines et sèches, est encadré par l’espace rectangulaire créé par la colonne, la poutre et le sol de la véranda. L’arbre dépouillé est un motif récurent dans l’œuvre de Rivier. Dans ses compostions religieuses, il est souvent associé à la symbolique de la mort en référence à la Passion du Christ.

La composition baigne dans une lumière rosée. On remarque l’ombre portée de la table, des bancs, des mains, celle des poutres et, au loin, celles des arbres.

La gamme chromatique est dans l’ensemble constituée de couleurs estompées : rose, vert amande, ocre, marron, indigo, orange.

La caractérisation des personnages réponde à une certaine stylisation des traits physionomiques, cependant gestes et postures sont variés. On observe avec curiosité quelques détails de grand réalisme, comme par exemple les plis de la nappe et le sobre décor, les bancs sur lesquels les personnages sont assis. On remarque également le drapé du tablier de la femme, que le mouvement des pas fait osciller vers la gauche.

Louis Rivier focalise son attention sur les aspects narratifs, tout en conférant une importance particulière au rendu atmosphérique du paysage ainsi qu’à l’ambiance générale de cette scène religieuse au caractère domestique et intime.

Les pèlerins d’Emmaüs : le repas fait partie d’une série de 60 illustrations dessinées, consacrées à la représentation d’épisodes bibliques.