Il s’agit d’un triptyque à caractère religieux et symbolique inspiré du thème de l’Incarnation : l’union en Jésus Christ de la nature divine et de la nature humaine. Louis Rivier y figure plusieurs situations ayant pour protagoniste Jésus à différents moments de sa vie. Le critère chronologique, bien que présent, est appliqué d’une manière irréaliste ou plutôt dans une juxtaposition de fragments temporels distincts. Les rapports qui unissent ces quatre scènes sont de nature symbolique. Dans sa Vierge aux pressentiments (1946), Louis Rivier avait déjà adopté cette technique. La représentation simultanée d’épisodes successifs dans le même espace pictural est une pratique artistique appartenant à l’époque médiévale tardive et au début de la Renaissance Italienne. On pense notamment aux fresques de Masaccio consacrées à la vie de saint Pierre dans la Chapelle Brancacci à Florence (dès 1424) : dans Le paiement du tribut, par exemple, le peintre italien concentre dans la même composition trois moments chronologiquement différents, tous concernant la vie de saint Pierre. Ce type de composition hybride se retrouve aussi dans des œuvres de Piero della Francesca ou des primitifs italiens.
Dans la partie supérieure du triptyque, Rivier représente la Trinité : trois figures identiques dont deux assises et une quittant le trône après avoir ôté ses habits. Ce dernier personnage représente le Fils, c’est-à-dire Jésus Christ. Habillé d’un simple perizonium, celui qu'il portera sur la croix, il se prépare à accomplir la volonté du Père en se dirigeant vers le monde. Sa tunique rouge est abandonnée sur le trône. Les deux autres figures l’observent, accompagnant leurs regards d’un geste de bénédiction et de prière. Sa « venue au monde » est symbolisée par la scène située à cheval entre le panneau central et celui de gauche : l’Ange Gabriel offrant à Marie, jeune fille aux cheveux tressés, une fleur de lys, emblème de l’Annonciation.
Le Christ, debout, le regard baissé, touche avec ses pieds les poutres en bois de la toiture d’une grange occupant toute la seconde moitié du panneau. Il s’agit, bien évidemment, d’une position irréelle choisie pour conduire le regard du spectateur vers la scène peinte inférieure et créer un lien symbolique entre ces deux parties. En effet, ici, en position centrale, se trouve Marie tenant dans ses bras Jésus bébé. Elle le soulève en l’asseyant sur son épaule dans un geste de présentation du divin enfant au monde. Leurs visages font face au spectateur. Exactement derrière le corps du bébé, se trouvent le visage et le buste du Christ crucifié. Les bras cloués à la croix de ce dernier se déploient d’une part et d’autre du corps du petit enfant. Se produit ainsi une superposition, ou fusion imaginaire, entre ces deux corps appartenant à la même personne, mais à deux moments différents de la vie : son enfance et sa maturité, son commencement et sa fin.
Marie est entourée des Mages (dont un au premier plan, agenouillé, de profil, et richement vêtu d’une ample fourrure) et des bergers venus adorer le nouveau-né. On constate que ces derniers ont des traits physionomiques typés ; ce détail représente la variété des origines et donc celle de l’humanité toute entière. Le sol de la grange est étonnement constitué de dalles bleues et blanches disposées en damier, un sol précieux pour un lieu pauvre, largement ouvert sur l’extérieur.
Louis Rivier crée une architecture hybride pour répondre à ses exigences esthétiques et symboliques. Le sol en damier est un élément architectural et décoratif typique de plusieurs intérieurs représentés par Rivier qui s’inspire de célèbres scènes domestiques de la peinture flamande.
Le panneau de droite est, quant à lui, vierge. On ne connait pas le programme iconographique prévu pour cette partie. Selon Dario Gamboni, il pourrait s’agir d’une Ascension, d’une Résurrection ou d’une Transfiguration, évènements successifs à la Crucifixion.
Ce triptyque inachevé de Louis Rivier manifeste une harmonieuse sobriété : les attitudes et les gestes des personnages sont mesurés, leurs expressions communiquent une certaine impassibilité (seules quelques têtes, parmi les adorateurs se lèvent et se tournent avec curiosité pour mieux regarder le nouveau-né). La fixité de leurs poses transmet une sorte de calme intérieur, ou de posture d’acquiescement, face aux évènements exceptionnels qui se déroulent sous leurs yeux et qu’ils semblent accepter avec naturel.
Les couleurs répondent aussi à cette ambiance générale. La gamme chromatique est construite à partir de trois couleurs dominantes : le rouge garance, le bleu (pour l'arrière-plan céleste) et le marron. Le vert de la longue jupe de Marie retient l’œil et offre un contrepoint au rouge. Le marron est décliné en plusieurs nuances allant de l’or au brun plus sombre du bois des poutres. Bleu et rouge sont deux couleurs aux valeurs fortement symboliques rappelant respectivement la pureté de Marie et le sang de la passion de Christ. Le rouge s'éclaircit parfois en rose. La composition baigne dans une lumière claire, vive et étale.
Le non-finito des panneaux confère à l’ensemble une teneur de mystère, accentuant le caractère onirique de la représentation. Comme des présences éphémères et fugaces, les personnages apparaissent et s’en vont, les temps sont confondus et les images, exactement comme dans un état de rêverie, se superposent et disparaissent dans le fond neutre. Ce triptyque de Louis Rivier, bien qu’inachevé, reflète donc parfaitement son thème principal : c’est-à-dire un « Mystère ».