Descripteurs généraux
Mots-clés formels
Mots-clés iconographie
Titre:
Portrait de Jean-Jacques Mercier-de Molin
Auteur:
Louis Rivier
Date de création:
1914-1915
Description iconographique:

Il s’agit d’un portrait en buste de Jean-Jacques Mercier-de Molin, commanditaire et mécène de Louis Rivier, père de Georges Mercier, grand ami du peintre.

Le buste et le visage de Jean-Jacques Mercier-de Molin sont orientés de trois-quarts ; son regard est adressé en direction du spectateur. Son visage a une expression sereine et ses yeux sont vifs. Ses lèvres sont fermées et elles esquissent un sourire imperceptible. Il porte une barbe courte et grise ainsi que des moustaches ; il a le front dégarni et les cheveux coupés très courts sur les côtés. Il se tient droit, les poings serrés posés sur les flancs et les coudes pliés, occupant ainsi tout l’espace du tableau. La raideur du buste et des bras lui confère une apparence un brin figée.

Jean-Jacques Mercier-de Molin est habillé d’une veste de couleur foncée doublée de fourrure brune qui recouvre le large col évasé. Au-dessous, on aperçoit un gilet noir et une cravate bleue nouée autour d’un col de chemise blanc. L’homme serre un gant en cuir et cette étreinte fait ressortir des veines bleutées sur le dos de sa main gauche. Ce geste avec les gants est souvent représenté par le peintre dans d’autres portraits ; on pense notamment au Portrait de Maurice Sandoz réalisé en 1937. Il rappelle aussi l’Homme au gant (1520-1523, Le Louvre) de Titien.

Le rendu presque hyperréaliste de la carnation et la précision des détails physionomiques procurent un effet photographique. On distingue chaque poil de la barbe et des sourcils, toutes les jointures des mains et leurs veines, les rides du front et les creux de l’oreille gauche, la seule visible. La précision du dessin et la subtilité picturale atteignent des résultats magistraux dans le rendu des matières, également.

La lumière est étale et les ombres façonnent délicatement les plis des habits. La palette chromatique est sobre, dominée par le bleu, le noir et le marron, rehaussée par le blanc de la chemise et le rose de la carnation.

La silhouette de Mercier-de Molin se démarque d’un fond bleu peint en dégradé, comme si l’homme posait dans un studio de photographe. Cependant, ce type de fond neutre est aussi une particularité des portraits flamands. D’ailleurs, l’attention portée au rendu de la carnation et aux sensations tactiles procurées par les tissus peints sont aussi des éléments caractéristiques de l’art des Flandres. Un autre détail vient appuyer cette référence : une inscription, peinte en couleur or dans le bord supérieur du tableau, fait office de légende. En caractères majuscules, on lit : JEAN JACQUES MERCIER DE MOLIN PEINT PAR LOUIS RIVIER EN NOVEMBRE 1914. Cela rappelle l’inscription gravée sur le cadre originel de L’Homme au turban rouge de Jan Van Eyck (1433, National Gallery, Londres).

Dans le corpus d’œuvres de Louis Rivier, on peut citer un autre tableau portant une inscription du même type : il s’agit du portrait posthume de sa mère, Adèle Sandoz, réalisé en 1909, quand le peintre était âgé de 24 ans.

Dans ce portrait de Jean-Jacques Mercier-de Molin, le XXe siècle fait un clin d’œil à la peinture du XVe : Louis Rivier rend hommage à son commanditaire et mécène en condensant dans ce tableau la puissance émanant de sa personne et la dignité venant de ses importantes sources d’inspiration. Le style « photographique » concourt à animer la forte présence du modèle et à la rendre encore plus vive et percutante.

Jean-Jacques Mercier-de Molin (1859 - 1932) a été le commanditaire du décor de la salle à manger du château de Pradegg, à Sierre. Les peintures murales ont été réalisées par Louis Rivier entre 1907 et 1910. A cette époque Rivier n’était pas encore un artiste confirmé avec une pratique picturale consolidée. La confiance de Jean-Jacques Mercier-de Molin a été alors vraiment très grande envers ce jeune peintre, ami de la famille. Le mécène, renouvellera sa confiance en le soutenant moralement et économiquement lors d’autres importants projets, comme par exemple la décoration de l’Aula du Palais de Rumine à Lausanne.

« Dès 1881, […] il travailla dans l'entreprise familiale de tannerie et prit la direction des affaires en 1887. Lorsque la tannerie cessa son activité en 1898, il réorienta ses activités vers la gestion de fortune et le mécénat. Administrateur de diverses sociétés, notamment celles du Lausanne-Ouchy et des Eaux de Bret. Conseiller communal libéral (législatif 1890-1905) de Lausanne, député au Grand Conseil vaudois (1889-1893). [Mercier-de Molin] se retira à Sierre où il fit construire le château de Pradegg (1906-1908), aujourd'hui château Mercier, où est toujours exposée sa collection (dont Ernest Biéler, Louis Rivier, art chinois et japonais). [Fut] Docteur honoris causa de l'université de Lausanne (1925) » (Dictionnaire Historique de la Suisse, DHS, consulté en ligne, auteur : Louis Polla).