Descripteurs généraux
Mots-clés formels
Mots-clés iconographie
Titre:
Les vitraux de la cathédrale de Lausanne
Auteur:
Louis Rivier
Date de création:
1918-1933
Description iconographique:

Voici les thèmes principaux des vitraux de la cathédrale de Lausanne réalisés par Louis Rivier. 

Les neuf fenêtres hautes du chœur illustrent le thème de la divinité du Christ. Le programme iconographique complet comprend : La Lutte de Jacob avec l’ange, Moïse et les tables de la Loi, David et Goliath, La Prophétie d’Esaïe, Jésus-Christ Roi (situé au centre), La Transfiguration du Christ, La Tentation du Christ, Le Baptême du Christ et Gloria in excelsis.

Les deux fenêtres de la face orientale (des croisillons nord et sud) illustrent respectivement : La Vocation d’Abraham et Adam et Eve chassés du Paradis.

Les six fenêtres de la face septentrionale (du croisillon nord), conçues avec François de Ripaupierre, se disposent sur deux rangs. Sur la galerie supérieure sont représentés : Le Divin Semeur, La Sainte Cène et Le Divin Vigneron. Sur la galerie inférieure, La Vie agricole : Joseph distribuant le blé, La Vie pastorale : Jacob gardant ses troupeaux et La Vie viticole : les messagers de Moïse rapportant la grappe de Canaan.

Voici, en particulier, la description de huit vitraux réalisés par Rivier : sept, faisant partie du cycle du chœur (La Lutte de Jacob avec l’ange, Moïse et les tables de la Loi, David et Goliath, La Prophétie d’Esaïe, Jésus-Christ Roi, La Tentation du Christ, Le Baptême du Christ) et un, situé dans la face orientale (Adam et Eve chassés du Paradis). 

Dans le vitrail La Lutte de Jacob avec l’ange, Louis Rivier met en scène le combat entre le patriarche et « l’envoyé céleste ». Le premier sera blessé, mais récompensé pour sa persévérance par une bénédiction divine ; il portera le nom d’Israël et sera appelé à conduire le peuple élu. Dans la composition de Rivier, Jacob s’accroche à la taille de l’ange. Ce dernier lève le bras droit et presse de son autre main la tête de Jacob : il s’apprête à le gifler. L’ange a une attitude sévère et impassible. Partiellement cachés par l’enchevêtrement de motifs décoratifs, on aperçoit les bras, les pieds, la courbe du dos et une partie du visage de Jacob. Louis Rivier semble ainsi représenter la force et l’audace de ses gestes, sans se focaliser sur les détails physionomiques. Les ornements sont nombreux et recouvrent presque en all-over, les habits des deux personnages, les ailes de l’ange, le sol en perspective, le fond, les bordures de la composition aux motifs géométriques. Les couleurs sont dans l’ensemble vives et lumineuses. La riche palette chromatique est construite à partir du rouge, du jaune, de l’or, du bleu marine, du bleu azur et du vert de malachite. L’effet d’entassement crée une sensation d’étouffement propice à décrire la lutte. La vitalité des teintes colore et illumine l’épisode d’une magnificence singulière, qui sera celle de Jacob récompensé par Dieu. 

Dans le vitrail Moïse et les tables de la Loi, Louis Rivier représente le prophète debout, en position frontale, le visage tourné de trois-quarts. Sa figure occupe la quasi-totalité de l’espace. Il a un regard attentif et dur. Son expression est sévère, un brin menaçante, accentuée par le froncement des sourcils. Il porte une longue barbe et ses cheveux sont cachés par la capuche rouge de son habit. Ses pieds chaussent des sandales bleues. Deux rayons de lumière partent d’un côté et de l’autre de son front. Sa tête est entourée d’une auréole richement décorée. Moïse est vêtu fastueusement. Sa tunique est très colorée, brodée de motifs géométriques. Ceux-ci se confondent avec les ornements des bordures : des frises qui suivent la forme en ogive de la fenêtre qui se composent de nombreux verres aux couleurs éclatantes. Une multiplication de formes géométriques se répand : des cercles, des triangles, des rectangles. Le résultat est luxuriant et, en même temps, très organisé.

Moïse tient les tables de la Loi devant son buste : deux tablettes de pierre gravées de chiffres romains qui évoquent les dix commandements. Seuls les doigts de ses mains apparaissent sous les tables.

Un trait noir et épais décrit le contour des parties corporelles visibles, des poils de la barbe, des traits physionomiques. Ce contour accentue l’expression du visage. 

La gamme chromatique du vitrail est dominée par le rouge, le vert de malachite, le bleu azur, le bleu marine, le turquoise, le rose et le jaune déclinés en plusieurs nuances. Combinées et juxtaposées entre elles, les pièces de verre génèrent une lumière vive. L’atmosphère est surréelle et mystique. 

Dans le vitrail David et Goliath, Louis Rivier « illustre les derniers instants du combat où David, luttant jusque-là à coups de pierres, s’empare de l’épée de son adversaire pour lui trancher la gorge. Ce geste personnifie la force surnaturelle de David et lui confère une dignité proche de celle du Christ » (Sophie Donche Gay, Les vitraux du XXe siècle de la cathédrale de Lausanne, p. 75). Les deux corps, représentés l’un au-dessus de l’autre, dessinent un grand S. Le corps de David, en contorsion, est dynamique et brandit l’épée avec une élégance et un léger maniérisme. La figure de Goliath, écrasée au sol, est coincée entre les deux bords latéraux du vitrail dans une position rappelant celle des nombreux Titans figurant dans la frise de La Science, peinture murale située sur la paroi nord de l’Aula du Palais de Rumine (1913-1918) à Lausanne. Le corps volumineux et musculeux s’inspire vraisemblablement des personnages que Michel-Ange a peint dans la chapelle Sixtine. 

Dans le vitrail de Rivier, les ornements des habits se confondent avec les éléments décoratifs et géométriques des frises des bordures. La gamme chromatique est dominée par le rouge, par le bleu marine, le bleu azur avec des éclats de jaune. Le rouge renvoie à la force, à la passion et au sang. Le bleu apaise la violence du rouge et semble situer la scène dans une ambiance crépusculaire. 

Dans le vitrail La Prophétie d’Esaïe, Rivier représente le prophète en train d’écrire sous l’égide de Dieu qui, impassible, lui pose une main sur l’épaule. La figure d’Esaïe est, au sens propre du terme, surmontée par la figure divine. Le prophète le regarde de bas en haut, avec confiance. Son corps est, certes, monumental, mais en même temps humain, en opposition avec celui de Dieu, impassible et irréel. Le prophète cherche une position stable pour écrire : il pose un pied sur un support et son livre sur la cuisse. Cette attitude procure un effet de réalisme. Esaïe tourne le regard en direction de la divinité. Cette dernière s’apparente à une icône ; sa tête est entourée d’une auréole dotée d’une croix à trois rayons symbolisant la Trinité ; ses gestes et sa posture sont figés. 

Le vitrail vibre grâce aux nombreuses pièces de verre juxtaposées et composant de nombreux ornements pour les habits, les frises des bordures et l’arrière-plan. Les couleurs dominantes sont le bleu marine, le bleu azur et le vert, teintes apaisantes, avec des éclats de rouge et de jaune. De cet ensemble foisonnant d’éléments purement décoratifs, la tête de la divinité domine la composition orientant le regard du spectateur. La figure d’Esaïe est, quant à elle, aperçue seulement dans un deuxième temps. Louis Rivier fait de Dieu le principal protagoniste de cet épisode biblique. 

Dans le vitrail Jésus-Christ Roi, « le Christ ressuscité apparait dans toute sa gloire. Cette version diffère légèrement du premier carton [1928] : le tombé du manteau est inversé, le geste de bénédiction et le sceptre davantage mis en valeur, et la partie inférieure de la robe dynamisée par des plis en éventail. » (Sophie Donche Gay, Les vitraux du XXe siècle de la cathédrale de Lausanne, p. 76).

Le Christ Roi est hiératique, sa posture statique et son geste figé. Toute la partie supérieure du corps est parfaitement symétrique tandis que les jambes se décalent légèrement suggérant un imperceptible contrapposto. L’ange est aussi en position frontale. Ses mains s’apprêtent à poser, avec délicatesse, une couronne sur la tête du Christ. Celle-ci est entourée d’une auréole rayonnante. La posture articulée et dynamique du premier carton est ici remplacée par une attitude contenue et discrète. L’ange n’arrive pas en volant, mais demeure immobile derrière le Christ. Aux pieds de ce dernier, en caractères majuscules bleues, on lit : JESUS CHRIST ROI. Ce dernier porte une longue tunique bleue, un châle et chausse des sandales. De sa main gauche, il tient le sceptre, avec l’autre, il fait un geste de bénédiction. 

La décoration est ici moins flamboyante que dans les autres vitraux du chœur laissant par conséquent plus de place, et de visibilité, à la figure du Christ. La gamme chromatique est cependant riche et se compose de couleurs chaudes, allant du rouge au jaune, mais aussi de couleurs froides, du bleu azur, bleu marine jusqu’au vert de malachite.

Dans le vitrail La Tentation du Christ, Louis Rivier met en scène l’épisode de la tentation du Christ par le diable, relaté par Matthieu 4 :1-11. « D’un geste large, le Christ rejette le diable travesti, portant un ample manteau rouge à la couleur royale et sulfureuse. La position courbée de ce dernier rappelle l’échec du stratagème diabolique. Au fil des trois versions successives (maquette, carton et vitrail), le Christ est progressivement établi dans une position à la fois souveraine et accusatrice, le diable déchu perd ses ailes, l’ampleur de son manteau diminue. » (Sophie Donche Gay, Les vitraux du XXesiècle de la cathédrale de Lausanne, p. 77).

Ici aussi, Louis Rivier s’approprie le format allongé de la fenêtre, et transforme la nécessité formelle en un choix iconographique délibéré. La « superposition » des deux figures se révèle idéale à la représentation d’un Christ souverain dominant les forces diaboliques. Le diable est, quant à lui, écrasé par la posture du Fils de Dieu. Il se recroqueville et semble chercher un pan de sa cape pour se cacher. Le geste du Christ, soulevant son manteau avec la main gauche, est un détail réaliste. Dans ce vitrail également, comme dans Jésus-Christ Roi, les motifs ornementaux se concentrent sur les bordures et les vêtements, sans toutefois créer un effet d’all-over. Les couleurs dominantes sont le rouge et le jaune (voir en particulier les habits du diable), le bleu azur, le bleu marine, le vert de malachite avec des éclats de blanc et de vert clair. Dans les Illustrations de la Bible (1936-38), Rivier reprendra cette scène de la Tentation du Christ.

La fenêtre avec Le Baptême du Christ : « dominée par une tonalité vert vif, limpide et fraîche comme l’eau, cette verrière est une illustration très littérale du texte biblique. Elle montre l’acte même du baptême. Ce geste symbolique révèle la nature divine du Christ, puisque Dieu lui-même le reconnait comme son fils : c’est une manifestation de la Trinité représentée ici par la superposition des trois figures divines, Jésus, le Père qui se confond avec Jean-Baptiste et l’Esprit Saint, symbolisé par la colombe. Rivier a beaucoup hésité sur la place à accorder à Jean-Baptiste. Il le situe finalement à l’arrière-plan ; tel Dieu le Père, Jean-Baptiste, au nimbe éclatant, bénit le Christ très humble et l’entoure de sa large stature. » (Sophie Donche Gay, Les vitraux du XXe siècle de la cathédrale de Lausanne, p. 77).

L’arrière-plan est décoratif, caractérisé par des ornements d’inspiration à la fois géométrique et florale. Le sol sur lequel reposent les pieds du Christ et de Jean-Baptiste est, quant à lui, davantage réaliste. La juxtaposition des pièces de verre bleu-vert crée les nuances de l’eau ; l’orange et l’ocre rappellent la couleur du sable. La disposition des différents éléments figuratifs, suivant une ligne verticale, suggère un mouvement vers le haut, vers le ciel. Cependant, le vol planant de la colombe suit une direction opposée, c’est-à-dire vers la terre. Cette double tension est la même qui relie le Christ vers Dieu le Père, mais aussi vers les hommes. 

Dans le vitrail Adam et Eve chassés du Paradis, Louis Rivier se sert encore une fois du format vertical de la fenêtre pour représenter de manière symbolique l’épisode biblique. 

Aux pieds du couple, figure un grand serpent enroulé en spirale. L’animal devient un élément décoratif et se confond avec les ornements des bordures. Adam et Eve, presque nus, chassés du Paradis, expriment par leurs postures et leurs gestes, toute leur honte. Eve cache son visage, Adam tourne le regard. Derrière eux, et, en même temps, surplombant leurs deux figures, un personnage effrayant est représenté en position frontale. La paume de sa main gauche est tournée en direction du spectateur et l’autre main brandit une épée à la lame courbe. Ses yeux écarquillés regardent droit, sans scrupules. Son hiératisme et sa tenue droite contrastent avec les corps, légèrement ondulant, d’Adam et d’Eve. La nudité de ces derniers est aussi en contraste avec l’armure cuirassée du diable armé. La gamme chromatique est riche et se compose de couleurs chaudes (jaune, ocre, orange, rouge) et froides (bleu marine, bleu azur, vert de malachite). La lumière est vive, rehaussée par les nombreux éclats.

Bien que différents, sur le plan iconographique, les vitraux réalisés par Rivier jouissent des mêmes qualités formelles. On pense en particulier : à la netteté des lignes, souples mais précises ; à la lumière vive et en même temps profonde, crépusculaire ; à la richesse chromatique ; au caractère réaliste de certains détails cohabitant avec une atmosphère surréelle et mystique. 

« Au souci du détail historique (les sandales, les robes) Rivier allie une composition idéalisée, à riches effets ornementaux, directement influencée par l’Art nouveau. Il traite les vêtements à la manière d’un paysage et joue avec des variations basées sur des effets de symétrie et de répétition. Il fait un large usage de motifs stylisés d’inspiration animale ou végétale, et des possibilités expressives de la courbe, de la volute et de la spirale, particulièrement visibles dans le tombé des vêtements, le mouvement ondulatoire des tables de la Loi ou la position concentrique du serpent […] ; il juxtapose des éléments traités tantôt en aplat tantôt en modelé ; la mosaïque ininterrompue des motifs décoratifs de la bordure, des fonds et des vêtements contraste avec le relief des visages, des mains et des pieds […]. Ce souci minutieux du détail, le recours à des éléments symboliques codifiés et la peinture très réaliste du visage humain […] inscrivent Rivier dans l’héritage des préraphaélites. » (Sophie Donche Gay, Les vitraux du XXe siècle de la cathédrale de Lausanne, p. 71).