Descripteurs généraux
Mots-clés formels
Mots-clés iconographie
Titre:
Le Mystère de la Rédemption
Auteur:
Louis Rivier
Date de création:
1949-1951
Description iconographique:

Réalisé entre 1949 et 1951, ce tableau en cinq panneaux est une méditation sur l’amour de Dieu exprimé par la mort de Jésus-Christ. Louis Rivier reprend ici dans ses grandes lignes la composition qu’il avait exécutée en 1914-15 pour la décoration murale de l’église Saint-Jean de Cour à Lausanne. Le programme illustre le texte de la Bible : Jean 3.16 : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils afin que quiconque croit en lui ne périsse point. Mais qu’il ait la vie éternelle. »

Cette composition est simple, monumentale, fondée sur symétrie axiale dont les parties latérales sont formées par deux registres de personnages superposés.

La partie centrale :

De nombreux personnages de l’Ancienne Alliance à droite et de la Nouvelle Alliance à gauche contemplent le Christ en croix soutenu par Dieu le Père. On est proche d’une représentation de la Trinité. En bas du trône et de l’escalier monumental composé de dix marches en marbre blanc, Adam et Eve, accablés et craintifs se détournent de Dieu. Un instrument aratoire est à terre sur un tas de cailloux où rôde le serpent.

Les anges musiciens :

De part et d’autre de la scène centrale, dans le ciel, un chœur d’enfants musiciens couronne la foule des personnages bibliques et historiques.

Les enfants musiciens relèvent de plusieurs types mais ils ont tous un air de famille. Il y a des filles et des garçons, des enfants et des adolescents. Ils portent des cheveux bruns ou blonds. Ils adoptent différentes coiffures et des vêtements de couleurs pastel dans les tons de bleus et de rouges, de roses et de rouge bordeaux principalement. Ils chantent, ont les bouches ouvertes et jouent de la musique. Les instruments de musique, en bois brun, rythment l’assemblée des enfants et renforcent les lignes verticales (une harpe), en ajoutant aussi des diagonales (les contrebasses, les harpes). On connaît l’attachement de Louis Rivier à la figure des petits musiciens, soit seule avec son instrument soit en groupe dans les compositions religieuses.

La partie droite :

Ce sont des personnages appartenant à l’Ancienne Alliance, Il y a des prophètes : Jérémie vêtu d’un habit bleu marine, (avec les deux béquilles), Daniel à genoux en prière. Isaïe au turban rose est placé derrière le berger Amos tenant un rouleau sur lequel son nom est inscrit. Malachie (de profil avec turban blanc), Osée, Elie. On voit encore saint Jean-Baptiste habillé d’un pantalon court en fourrure, portant barbe et cheveux longs qui montre la Croix mais qui regarde en direction des personnages historiques du Nouveau testament. Il fait le lien entre l’ancienne Alliance et la Nouvelle. Plus à droite, se trouve Moïse, personnage en pied vêtu d’une ample cape rouge garance, appuyé sur un sceptre torsadé. Abraham en riche manteau bleu marine tient la main de son fils Isaac. Jacob tenant un tissu ensanglanté pleure son fils Joseph. Coiffé d’un chapeau en fourrure et d’un bandeau rose, Noé tient dans ses bras une arche miniature.

Dans l’intervalle entre le ciel et la terre, se tient un ange vêtu d’une cuirasse gris clair, saint Michel, l’ange justicier qui pèse les âmes défuntes. Il est symétrique à l’ange habillé de bleu azur avec des ailes blanches qui couronne saint Etienne martyr, dans la partie gauche.

Sur la deuxième marche des escaliers, est agenouillée la Vierge Marie, femme qui semble encore jeune, tournée vers la croix, les mains jointes. Au-dessus d’elle, l’ange Gabriel habillé de rose et doté d’ailes duveteuses, tient le lys blanc qui symbolise la pureté de la Vierge Marie et rappelle le moment de l’Annonciation.

Saint Luc, chaussé de sandales, un genou à terre tient son évangile. Il est aussi le saint patron des peintres puisqu’il a peint la Vierge Marie lors d’une apparition de celle-ci. Louis Rivier affectionne cette figure de saint Luc qu’il va représenter à plusieurs reprises. Derrière se trouvent les autres évangélistes, saint Jean, Saint Matthieu, saint Marc.

Ensuite on rencontre Saint Pierre avec le coq à ses pieds (symbole du triple reniement) et avec les clés (il est le Maître de l’Eglise). A genoux, saint François d’Assise avec son vêtement franciscain marron. Derrière lui, saint Augustin de grande taille, tient les Confessions dans sa main gauche. Il est vêtu d’un élégant et riche vêtement rouge garance orangé, orientalisant, tenu par un médaillon bleu. Ses mains sont gantées et il a une mitre sur la tête. Derrière mais de haute stature, couronné et habillé d’une cape bleu azur, l’empereur Constantin, premier empereur romain à devenir chrétien. Derrière sur la gauche, on voit la couronne française de saint Louis qui a mené plusieurs croisades.

Au premier plan à côté et à l’arrière de saint Augustin, se trouvent des personnages de l’Eglise chrétienne. Martin Luther avec le visage arrondi et Jean Calvin de profil, affichant une barbe taillée en pointe. Saint-Vincent de Paul, bras croisés, regarde directement le spectateur. Sur sa droite, une peu derrière apparaît Alexandre Vinet (1797-1847) affublé de lunettes, théologien, professeur de littérature et fondateur de l’Eglise libre. A l’extrémité gauche, se trouve le papier Pie XII (1876-1958), reconnaissable avec son profil net. Devant encore, Jean Sébastien Bach tient une partition avec à ses pieds un violon. Rivier était un grand amateur de musique. Il affectionnait Bach, Haendel et Beethoven.

Derrière la perruque de Bach, la moitié du visage de Jeanne d’Albret (1528-1572), reine de Navarre, fille d’Henri II et nièce de François 1er. Elle a été la mère d’Henri IV. Elle importe à Rivier pour son engagement dans le protestantisme.

Les gestes :

La foule de quelque deux cents figures n’est pas statique. Presque chaque personnage est animé par des gestes surtout exécutés avec les mains ou les bras. Il s’agit d’une image compacte mais en mouvement. Que ce soit les enfants tenant des partitions, des instruments de musique, ou chantant, que ce soit le grand geste de saint Jean-Baptiste ou celui d’Adam se protégeant les yeux, mais encore les mains qui touchent une barbe, celles qui tiennent un livre, une plume, les mains qui prient, celles qui couvrent le visage, celles qui s’appuient sur un bâton, un sceptre, des béquilles, des mains qui touchent la zone du cœur, tous ces gestes tracent une chorégraphie humaine traduisant des émotions. Les gestes nous adressent, depuis le mouvement du corps, un message intérieur, un sentiment de l’âme.

Quelques comparaisons entre l’église Saint-Jean de Cour et le Mystère de la Rédemption :

Les deux saint Jean-Baptiste se réfèrent à un modèle qui provient sans doute d’une peinture sur toile de Philippe de Champaigne, Saint Jean Baptiste, (vers 1656, Musée de Grenoble). On y voit une ressemblance physique, dans l’habillement ainsi que dans le geste où le saint montre du bras gauche une scène.

Dans les deux compositions Alexandre Vinet a exactement la même figure issue d’un même modèle : un daguerréotype connu et conservé au Musée historique de Lausanne. En pied à Saint-Jean de Cour, il est tourné de profil ici, vêtu d'une redingote, d'un gilet foncé, ainsi que d'une chemise blanche serrée au cou par une cravate noire. Il a une abondante chevelure et porte de petites lunettes cerclées de métal.

Rivier met au point à Saint-Jean de Cour le groupe des deux réformateurs Luther et Calvin, groupe qu’il reprend tel quel dans le Mystère de la Rédemption. Le modèle de Luther est sans doute un des portraits du réformateur allemand peint en 1532 par Cranach l’Ancien (MET, New York). Rivier devait bien connaître le portrait de Calvin notamment par le biais d’une gravure qui circulait à l’époque. Il reprend sans doute cette gravure très connue de Jean Boyvin (1563), publiée dans des ouvrages illustrant la doctrine du réformateur de Genève. Ce portrait gravé sera celui qui sera le plus répandu et connu du visage de Calvin. On voit que Rivier s’en inspire directement, par le profil, le bonnet avec l’oreillette, la barbe taillée en pointe, le riche habit avec une écharpe de fourrure.

Le Mystère de la Rédemption fait figure dans l’oeuvre de Rivier d’une autocitation. En effet, l’artiste cite de manière très directe, presque comme une copie, la composition qu’il avait réalisée plus de trente-six ans auparavant, celle de Saint-Jean de Cour à Lausanne.