Descripteurs généraux
Mots-clés formels
Mots-clés iconographie
Titre:
Triomphe de la Mort
Auteur:
Louis Rivier
Date de création:
1925
Description iconographique:

Il s’agit d’un triptyque à caractère allégorique représentant le Triomphe de la Mort.

Le panneau central, dont le bord supérieur est bombé, représente un estropié avec une béquille, trois personnes vraisemblablement aveugles dont une jouant de la guitare, une personne agenouillée et implorante, levant les bras au ciel, une jeune fille s’accrochant à un vieillard, un homme armé d’un fusil, une jeune femme nue soutenue par une autre femme habillée chaudement. Dans le coin inférieur et gauche, un chien noir grogne et montre ses crocs pointus. 

Le panneau de gauche représente un homme creusant dans la terre avec une pelle, un enfant cueillant des marguerites, une femme s’approchant de lui comme pour l’enlever, une mère embrassant son fils et un vieillard s’échappant. On voit également une femme élégamment vêtue, l’air effrayée, accompagnée d’un jeune homme habillé, lui aussi, de manière recherchée. Deux aigles planent au-dessus de leurs têtes.

Le panneau de droite figure l’allégorie de la Mort. Un personnage au visage squelettique descend de son cheval et brandit une longue épée. Il porte une longue tunique rouge garance, dotée d’une capuche et d’une cape. Un foulard blanc qui lui recouvre la bouche. Il chausse des bottes en cuir marron ; une corde est nouée autour de ses hanches. 

A l’arrière-plan des trois compositions, on retrouve le même paysage : des collines arides, des montagnes bleutées à l’horizon, un ciel bleu clair traversé par de nombreux cumulus. A l’arrière-plan du panneau de la Mort, accrochée à une colline, on voit également un clocher d’église. Quelques arbres vert malachite et vert clair complètent le paysage.

Le terrain sur lequel les personnages se tiennent est aride parsemé d’une herbe rase, avec des entassements de pierres grises. 

Au travers de tous ces personnages, Louis Rivier représente différentes catégories sociales et humaines en explorant leurs réactions face à la mort. Dans le panneau central, par exemple, on voit le personnage handicapé acclamer et presque appeler la mort pour qu’elle vienne le soulager. Le groupe d’aveugles avec la vieille femme agenouillée chante une créature encore invisible qui ne l’effraye pas. Par contre, la jeune fille nue s’évanouit face à un destin qu’elle n’imaginait pas et le jeune homme vigoureux brandit une arme pour tenter l’impossible. Une jeune fille s’accroche à un vieillard, figure imposante et rassurante, qui regarde avec fatalisme la mort. La jeune femme habillée, une infirmière probablement, observe avec impassibilité la venue de la mort, occupée à soigner la jeune fille qui lui a été confiée. 

Dans le panneau de gauche, l’enfant insouciant s’oppose à la mère effrayée ; l’homme résigné creuse sa tombe, alors que le jeune couple surpris lors d’une fête regarde la mort avec terreur. Une mère et son enfant s’embrassent avec amour pour profiter des derniers instants. Un homme âgé tente de fuir malgré l’évidence de son destin. 

L’allégorie de la Mort est, quant à elle, à la fois abstraite et terrifiante. Avec son cheval, elle s’apparente à une statue équestre. Louis Rivier réduit au minimum toute expression en lui couvrant la tête et la bouche. Elle est anonyme, non identifiable. Sa pose est figée bien que l’action entreprise (la descente du cheval) suggère un mouvement. 

La gamme chromatique est sombre, composée d’une variété de bruns mais éclairée de manière vive et presque violente par le rouge garance qui rehausse les trois compositions en y jetant une touche sanguinolente. Le vert foncé de la végétation, le blanc d’une jupe et des nuages ainsi que le bleu clair du ciel complètent la palette. 

La lumière est étale et les ombres sont surtout présentes au niveau des plis des habits. Celles-ci façonnent les drapés en leur conférant un aspect sculptural. D’autres ombres portées obscurcissent le sol en correspondance avec les personnages. 

Louis Rivier met en scène le Triomphe de la Mort de manière théâtrale et presque cinématographique. A l’extrémité latérale du panneau de gauche, par exemple, il laisse imaginer au spectateur la présence d’autres figures hors champ. Gestes et poses sont dynamiques et les personnages sont tous capturés lors d’un moment précis : de stupeur, de terreur, d’invocation ou d’acceptation. Les affects et les émotions sont représentés par des gestes évocateurs.

Dans ce triptyque, on retrouve des citations internes ou, plutôt, des « typologies de personnages » que Louis Rivier ne cessera de représenter tout le long de sa carrière. On pense notamment au vieillard barbu rappelant le Saint Jean à Patmos (1946), ainsi que celui attendant la Mort du Jugement dernier (s.d.). La jeune femme nue évoque la Venus endormie (1924). Le petit homme estropié se retrouve dans la Crucifixion (après 1938), la Descente de Croix (1940) et dans La résurrection du jeune homme de Naïn (Illustrations de la Bible, 1936-38). On relève également l’attention portée au monde maternel et enfantin et aux rapports d’amour et d’affection entre mères et enfants : thèmes qui traversent toute l’œuvre de Rivier. Le bébé cueillant des marguerites rappelle le Bébé assis dans une prairie (1916), insouciant et heureux. Le couple habillé élégamment évoque celui présent dans la Sainte Cécile (1945) œuvre où l’on note aussi le même intérêt pour la représentation de plusieurs catégories sociales.