Descripteurs généraux
Mots-clés formels
Mots-clés iconographie
Titre:
Golgotha à l'ère moderne
Auteur:
Louis Rivier
Date de création:
1952
Description iconographique:

Ce tableau à caractère religieux représente une Crucifixion, avec le Christ sur la croix et Marie à ses pieds. 

La traverse verticale de la croix coïncide avec l’axe central de la composition et coupe en deux moitiés exactes l’espace. Du Christ, on voit seulement les pieds, situés dans la partie supérieure du tableau. La Vierge se tient debout, la tête et le dos appuyés contre la croix.

Contrairement à l’iconographie traditionnelle, mais de manière très similaire à la Crucifixion de Bottens (1942-1943), le crucifix surgit d’un pavement blanc, vraisemblablement en marbre, représenté en perspective. Il s’apparente ainsi à une sorte de colonne. Le sol rappelle, quant à lui, celui d’une loggia. Cette impression est accentuée par la position surélevée du pavement par rapport au paysage collinaire et architectural se déployant à l’arrière-plan. On pourrait ainsi imaginer la présence d’un grand escalier reliant la ville au lieu de la crucifixion : «un Golgotha moderne», comme le titre l’indique.

A droite de la croix, un genou au sol, l’autre plié, est représenté un personnage masculin qui pourrait être saint Jean. Des attributs iconographiques traditionnels de ce dernier, toutefois, on remarque seulement, et de manière discrète, la présence de la couleur rouge. Ici, le jeune homme porte un foulard rouge garance, une veste brune serrée à la taille à l’aide d’une ceinture, une tunique vert amande au drapé abondant et à l’effet sculptural. Il est pieds nus. Son corps est orienté de profil, son regard s’adresse à Jésus ; il indique de sa main gauche soi-même et, de la droite, Marie. Il porte des cheveux mi-longs et décoiffés. Son visage exprime une certaine inquiétude et tristesse.

A gauche de la croix, un homme âgé, vêtu d’habits déchirés, les pieds tordus enveloppés dans des bandages sales, se soutient avec deux béquilles et regarde, lui aussi, en direction de la croix. Le velours épais de ses pantalons procure des sensations tactiles. Sa cape, probablement bleue à l’origine, a perdu son éclat et est devenue bleu-gris. Un foulard rouge garance est noué autour des hanches. Il porte la main à la tête dans un geste qui exprime stupeur et perplexité. On connaît d’autres œuvres de Louis Rivier figurant ce personnage estropié à l’aspect vaguement caricatural, inspiré probablement des tableaux de Brueghel. On pense notamment à la Crucifixion (après 1938), à la Descente de Croix (1940) et à La résurrection du jeune homme de Naïn (série des Illustrations de la Bible, 1936-38). Dans La Descente de Croix, l’homme se désespère car il arrive trop tard pour être guéri par le Christ.

Si l’on suivait cette piste, le jeune homme de droite, contrairement à la première interprétation, pourrait donc lui aussi se trouver aux pieds de la croix pour demander un miracle au Christ.

La figure de Marie se réfère assez directement à celle de la Crucifixion de Bottens (1942-1943). Debout, appuyée contre la croix, elle a les mains croisées et regarde de manière triste et résignée vers le sol. Elle est vêtue d’une jupe bordeaux, d’une blouse et d’un châle blancs. 

A l’arrière-plan, le paysage est un pastiche de styles architecturaux appartenant à des époques différentes : des immeubles modernes côtoient des constructions néoclassiques, des toits de tuiles surgissent parmi des coupoles. Les collines vert olive dessinent des courbes douces et sont ponctuées de cyprès, l’atmosphère est italienne. Le ciel occupe la moitié supérieure de l’espace. Il est d’un bleu très clair, presque gris, voilé de grands nuages à l’aspect cotonneux.

La lumière est étale, douce et dorée. On remarque les ombres portées des trois personnages au sol et au niveau de la croix, ainsi que celles des drapés à l’effet sculptural de la robe de Marie et des habits du jeune homme.

La gamme chromatique se compose de couleurs estompées avec des éclats plus lumineux : beige, rosé, orangé, marron, vert amande, bleu azur, bleu clair, rose, rouge bordeaux, blanc, orange, rouge garance, gris, gris anthracite. 

Rivier porte une grande attention au réalisme des détails tout en accentuant les expressions faciales. Quelques exemples : la pâleur de Marie, la larme bloquée sous sa paupière droite, les rides creusant discrètement le contour de ses yeux, les lèvres entrouvertes légèrement bleutées ; les cheveux, la barbe, les sourcils touffus de l’estropié, les dents que l’on entrevoit dans sa bouche ouverte, les veines des mains, les os des poignets et des doigts, la précision et le rendu des tissus déchirés de ses habits, la saleté de ses ongles et de ses bandages ; la courbe du nez du jeune homme, les rides de son front, la précision du geste des mains. On souligne également le réalisme, tel un trompe l’oeil des matériaux représentés, comme le bois de la croix ou le marbre du sol. Ce dernier est abimé par endroits et possède des irrégularités typiques de la pierre ancienne. 

L’effet de réalisme procuré par ces détails est amplifié par le cadrage sélectif. La symétrie et la centralité classiques qui structurent la composition sont troublées par le cadrage sélectif qui montre la présence hors champ du corps du Christ. Les gestes suspendus des personnages ébauchent une narration qui reste énigmatique. Il y a de la théâtralité dans le ce Golgotha, revisité par Louis Rivier.