Descripteurs généraux
Mots-clés formels
Mots-clés iconographie
Titre:
La Descente de Croix
Auteur:
Louis Rivier
Date de création:
1940
Description iconographique:

Voici une grande composition religieuse au caractère symbolique et narratif représentant la descente de croix après la crucifixion. Il s’agit d’un thème iconographique majeur et fréquent dans la peinture religieuse. L’œuvre reprend ici de nombreux éléments caractéristiques tant de l’iconographie que de l’art de Rivier.

Le peintre représente le corps sans vie de Jésus soutenu par Nicodème à gauche et par Joseph d’Arimathie à droite. Deux des trois saintes Femmes (Marie-Cléophas et Marie Salomé) soutiennent, l’une le linceul, l’autre les jambes, tandis que, plus loin, Marie Madeleine, attristée, regarde dans le vide.

Sur la gauche, Marie est consolée par saint Jean. Derrière le couple, un scribe s’éloigne et un estropié se désespère car il est arrivé trop tard pour être guéri par le Christ. Plus loin, un groupe de personnes sortant d’une ferme semble discuter à propos d’une lézarde ouverte dans le mur. Selon la Bible, un tremblement de terre et un orage surviennent lors de la Crucifixion. Au dernier plan, un berger est frappé par une branche détachée de l’arbre à cause de la tempête.

Sur la droite, derrière Marie Madeleine, un groupe de femmes contemple l’événement tandis que deux enfants, poussés par la curiosité, s’approchent de la scène. Mais, l’un d’eux cherche à éloigner son camarade qui s’attarde. Au dernier plan, des paysans discutent près d’un arbre, lui aussi frappé par l’orage, une de ses branches est cassée.

Entre le visage de Joseph d’Arimathie et celui d’une des saintes Femmes, on aperçoit la présence quasi imperceptible d’un centurion qui se retourne en direction de la croix avant de s’éloigner.

Les figures de Nicodème, de Joseph d’Arimathie, des trois saintes Femmes (« trois Maries »), ainsi que la présence de l’estropié, de la lézarde, des branches brisées et du centurion sont des éléments récurrents des Descentes de Croix.

Louis Rivier organise la composition autour d’un axe central constitué par la croix dont le montant horizontal double et souligne l’horizontalité du support et du cadre. La partie verticale se situe hors champ. Ce cadrage confère un caractère réaliste à la scène. Le corps du Christ, légèrement oblique, rompt la symétrie produite par la croix, et permet aux personnages tout autour de se disposer d’une manière plus fluide et dynamique.

La carnation pâle du corps christique, ainsi que le linceul blanc, captivent l’attention du spectateur et orientent son regard ; ce dernier se pose tout d’abord sur la figure de Jésus et, par la suite, sur les personnages le soutenant. Le corps du crucifié est mince et presque nu, recouvert d’un simple drap - le périzonium - serré autour des hanches. La plaie sur le côté est à peine visible et peu accentuée. La tête tombe, exsangue, sur la poitrine. Les yeux sont fermés et la bouche entrouverte. De longs cheveux châtains descendent sur le front de façon désordonnée. Il porte encore la couronne d’épines. Ses pieds et ses mains ont perdu la trace des stigmates.

Joseph d’Arimathie est habillé d’un long manteau doté d’un large col de fourrure. Son visage est à la fois triste et concentré car il est en train de soutenir le corps lourd de Jésus. Il est aidé par Nicodème, intellectuel et homme de loi qui se tient debout, pieds et bras écartés, pour supporter le poids du corps. Il soutient le bras et le dos de Christ. Il est habillé d’une chemise marron et d’une tunique verte, décorée de motifs dorés brodés. Il a les mollets nus et est chaussé de sandales. Son crâne est en partie chauve et il porte une barbe courte. Son expression est sévère, entièrement absorbée par l’effort physique. Il ressemble au Nicodème représenté dans la Lamentation du primitif flamand Petrus Christus, réalisée entre 1455 et 1460 (Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles).

Un troisième personnage aide Nicodème et Joseph d’Arimathie : situé derrière la croix, sur une échelle posée sur la traverse, il se penche pour soutenir le bras droit du Christ et avec sa main gauche s’accroche à l’échelle. Il porte un béret orange et une tunique violette. Ce personnage est aussi représenté dans la Mise au tombeau réalisée par Louis Rivier en 1943.

Une des trois Maries porte une guimpe blanche et une robe bleue lui couvrant tout le corps. Elle est agenouillée et entoure de ses bras les pieds de Jésus dans une pose qui est plutôt celle de Marie Madeleine dans les peintures classiques. Une deuxième sainte Femme habillée d’une longue guimpe blanche, d’une robe grise et d’un gilet rouge à manches courtes, soulève un coté du linceul pour empêcher qu’il ne tombe. Elle regarde en direction du visage de Jésus et semble affligée. Son geste théâtral met en évidence ce qui est en train de se passer.

Ce groupe central est dynamique. Louis Rivier confère à chaque personnage des gestes variés et une posture différente et asymétrique. Les silhouettes penchées et en équilibre créent un mouvement tourbillonnant autour du corps mort du Christ.

Derrière la deuxième sainte Femme, Marie Madeleine détourne son regard de la scène principale et regarde vers le bas. Elle soutient de sa main gauche sa tête penchée. Cette posture est celle de l’ange de la fameuse gravure Melencolia d’Albrecht Dürer, datée de 1514. Son visage manifeste une grande souffrance. Elle a de longs cheveux bouclés châtain clair et porte un foulard bleu en guise de voile.

Sur la gauche, la Vierge Marie, débout et affligée, se couvre le visage. Elle porte une robe bordeaux et une sorte de blouse verte doublée de fourrure, attachée sur son ventre avec un bouton doré. Saint Jean à ses côtés, participe à sa douleur et la réconforte.

Au premier plan, le crâne d’Adam, élément typique des Descentes de Croix, symbolise le Golgotha dit « lieu du crâne », c’est-à-dire l’endroit où se trouve la tombe du premier homme, Adam. Toujours devant, à gauche, une tenaille et des clous sont posés sur une pierre. La tenaille a servi à arracher les clous des pieds et des mains de Jésus. Ces objets font aussi partie de l’iconographie classique de ce thème religieux.

Cette composition se caractérise par une grande profondeur de champ. Les personnages principaux se situent sur un pré vert, en position légèrement surélevée par rapport aux figures du deuxième plan. Quelques arbres dépouillés séparent le deuxième plan et l’arrière-plan constitué par un village et des collines. Au-dessus, un ciel gris bleu, nuageux.

Le tableau, à l’apparence très classique, se nourrit de plusieurs d’antithèses. Au niveau formel, par exemple, on observe un contraste intéressant dans les couleurs. La gamme chromatique est très variée ; cette richesse est en grande partie due aux couleurs des vêtements : rouge, orange, vert, bleu, violet. Ces tonalités vives exaltent encore davantage la pâleur du corps du Christ et le blanc de son linceul. De même, les postures des personnages soutenant Jésus dégagent force et vigueur que son corps mort a perdues. La curiosité du duo d’enfants et leurs gestes vifs, contrastent avec les expressions tristes et affligées des adultes. Les paysans au deuxième plan, quant à eux, discutent et œuvrent pour réparer les dégâts de la tempête, s’occupant ainsi de leur vie quotidienne, tandis que les figures du premier plan vivent une tragédie. Mais, tandis que le groupe central agit d’une manière pragmatique à la descente du corps, le temps semble suspendu et immobile pour la Vierge Marie et pour Marie Madeleine qui, immobiles, sont absorbées par la douleur et le désespoir.

La lumière est étale. Les ombres portées sont rares : on remarque celle de la pierre et du crâne d’Adam et celle du groupe des femmes discutant au deuxième plan. Les autres ombres façonnent les plis des habits. Ceux-ci se caractérisent par des drapés élaborés. Ils créent une sensation de mouvement en soulignant les gestes et les postures des figures autour du Christ.

L’atmosphère dramatique générale est contrebalancée par la richesse des détails et des micro-scènes. Chaque groupe de personnages constitue presque une entité figurative tout en étant en relation avec les autres. Cela peut rappeler certaines œuvres de Pieter Brueghel. On connait l’amour de Louis Rivier pour la peinture flamande. Si l’attention du spectateur est tout d’abord captivée par le centre, son regard se déplace ensuite d’un côté et de l’autre du tableau. Ce mouvement est motivé par l’animation gestuelle et les nombreuses actions menées. Ici réside la principale antithèse mise en scène par le peintre : c’est une œuvre fourmillante de vie malgré la mort qui en constitue le sujet principal.